Avec Dark Fate, la saga Terminator se raccorde à ce qui faisait ses talentueuses prémices, soit la machinisation du blockbuster à grand renfort d’effets spéciaux impressionnants et surtout d’une féminisation du héros non plus pensé comme ventre maternel sur le point de porter l’espoir de l’humanité mais comme femme armée et dangereuse qui agit sur son environnement, qui a entre ses mains l’avenir d’une civilisation sur le point de s’éteindre. Aussi les liens de parenté ne sont plus héréditaires mais symboliques, organiques en ce sens où les protagonistes sont autant d’organes aptes à faire avancer un corps vers sa victoire. Et cet acte de foi placé en la vie réussit ici à s’enraciner dans ce tableau de famille peu à peu reconstitué : du Mexique aux États-Unis, on récupère mamie sur le bord de l’autoroute puis papy dans son chalet, devenu entretemps décorateur et conseiller-rideaux à motifs ; on prend l’avion, l’hélicoptère ou la voiture, on se transmet une mémoire tantôt effacée tantôt sur le point de disparaître à grand renfort de flashbacks pompeux, avec comme point commun l’amour qui, à un moment ou à un autre, a su rassembler les êtres. Dans son mouvement intrinsèque, le film épouse cette dynamique du lien social progressivement resserré autour d’une cellule hétérogène d’abord, homogène enfin, et sans cesse menacé par une technologie plus puissante, plus avancée, mais solitaire. Et l’affrontement qui a lieu montre comment la nécessité de sauver l’humanité conduit des solitudes à s’apprivoiser, les générations à trouver un terrain d’entente jusqu’à refonder un microcosme à part entière, et qui aura raison du mal au prix de nombreux sacrifices. L’articulation de ces deux niveaux passe aussi par l’ancrage du long métrage dans un contexte politique marqué par le repli identitaire : de façon consensuelle certes, Tim Miller représente le problème mexicain qui obsède tant l’Amérique actuelle pour faire de la famille mexicaine initiale, peu à peu décimée, ce qu’il y a de plus humain et sincère, contre un robot et une Sarah Connor revêche et militarisée. Le salut vient d’ailleurs, nécessaire au renouvellement des vieux automates grisonnants de l’Oncle Sam. Notons également que les scènes de désolation futuriste ne sont pas sans rappeler certaines séquences captées lors des guerres qui déciment actuellement le continent africain. Tout cela pour dire que Dark Fate ne constitue pas un épisode de plus, mais bien un film à part entière qui trouve dans la saga une place de choix – directement après les deux premiers – tout en apportant à son action charcutée par un montage épileptique quelques touches de cauchemar (les transformations visqueuses de la machine impressionnent) et suffisamment d’autocritique et d’humour pour offrir un divertissement de bonne facture, proche du nanar à certains moments, notamment dans l’écriture de ses dialogues, que nous aurions tort de bouder sous prétexte de postures rétrogrades (le fameux « c’était mieux avant ») ou de préjugés ineptes (« la saga Terminator est morte »).