Choses remplaçables, abandonnés facilement, négligemment, dans lesquels on choit et vit : ordures combustibles / ordures non-combustibles. Il faut accepter le vide comme structure composante essentielle de ce film. On n’est pas moins stupéfaits, interdits, émerveillés, choqués, violentés que Nozomi, qui gambade quand même à la découverte du monde, des autres, de l'amour, en faisant tintinnabuler sa bouteille de verre. Ça vaut le coup de sauter dans le vide, se rendre disponible à cette vacuité aérienne, ouvrir la fenêtre à ce souffle inédit, vertigineux, léger et inquiétant, passer outre les critères habituels, courants, un début, un déroulement et une fin déroutants, étranges, lents, flottants, ces travellings clairs, transparents, cette musique. Parce qu’on est tout bonnement estomaqué, puis déchiré aux larmes par des scènes absolument hallucinantes et bouleversantes, celle de la blessure et de l’échappement de l’air par l’interstice ; la confrontation avec l’interchangeabilité des êtres et des choses ; la visite au fabricant ; l’expérimentation de l’ouverture d’une fente sur Jun’Ichi, recherche de la valve ; l’anniversaire… Quelle effroyable émancipation pour Nozomi que de devoir nettoyer elle-même son vagin escamotable, cette candeur, cette facilité déconcertante à utiliser un objet. Cet air, ce néant qui la compose est tellement abyssal en fait, la rend incernable, et pourtant, maintenant, elle a un cœur nous dit-elle. Sont-ce vraiment des paroles mécaniques, ces phrases que la poupée répète, fausse conscience, apparente seulement, d’être un ersatz qui résout la misère sexuelle ? « Qu’y a-t-il dans le vide qui puisse nous faire peur » demandait déjà Pascal dans ses Pensées…