Le problème, lorsqu'il s'agit de juger un documentaire, est qu'on procède souvent par métonymie : on évalue plutôt le sujet étudié que le film lui-même. Ici, le travail de R.J. Cutler permet de s'intéresser aux deux, car il propose d'intéressant partis pris, à défaut de point de vue incisif. Ni propagande pro-mode ni pamphlet sur cette industrie controversée, The September issue a l'humilité de ne pas prétendre livrer un panorama exhaustif du monde de la mode. Il s'attache avant tout à l'institution qu'est Vogue et à sa fabrication, en mettant en avant les choix éditoriaux du magazine. En ce sens, les choix du documentariste sont à prendre ou à laisser : il ne dresse pas, comme on s'y attendait, un portrait percutant d'Anna Wintour, capitaine du navire, mais suit "seulement" la rédaction du numéro le plus important de l'année. Il se verra donc sûrement reprocher de ne pas décrire toute la méchanceté de son personnage principal, qui, nous rappelle la bande-annonce, "a inspiré Le diable s'habille en Prada". Même sans se focaliser autant sur cet aspect que soulignait le plaisant divertissement de David Frankel, The september issue prodigue à certains moments une leçon d'arrogance. Et pourtant, on ne peut que saluer l'initiative de cette Dona Corleone de la mode quand elle soutient l'art, l'esthétique, la recherche, au sein d'un secteur aussi frivole. La beauté de certaines photos, notamment la série fellinienne à Rome avec Sienne Miller, fait regretter qu'on ne puisse pas en voir plus. La force du documentaire réside dans sa volonté de donner à la mode un intérêt qu'on ne lui donnerait pas au premier abord, de lui offrir un espace autre que le papier glacé habituel. C'est une des rares occasions de voir la mode explorée de cette façon sur le grand écran, où son rôle est traditionnellement inconfortable, car il ne doit pas être trop encombrant ni donner lieu à un placement de produit. Ici, la peinture de l'habillage dicte au film sa forme. Ce documentaire célèbre donc