« Elle avait adopté la religion des athées, consistant à faire le bien pour l'amour du bien. Et bien sûr elle adorait la vie. […] Elle prenait pratiquement plaisir à tout. Si vous vous promeniez avec elle à Hyde Park, elle s'extasiait tantôt sur un massif de tulipes, tantôt sur un enfant dans son landau, tantôt sur telle scène absurde qu'elle inventait de toutes pièces. » Mija (l'actrice Yun Junghee, légende vivante du cinéma coréen) n'est pas Mrs Dalloway, mais possède ce même amour de la vie, cette capacité à dénicher la beauté du monde dans les choses les plus simples, les plus quotidiennes ; ou du moins aspire-t-elle à les posséder, en prenant d'improbables ''leçons de poésie'' sur ses vieux jours, à l'heure où précisément, pour cause d'Alzheimer, elle perd la mémoire des mots (l'idée est superbe, mais malheureusement peu exploitée). Débusquer une certaine beauté cachée dans l'anodin, voire dans le sordide : le credo semble coller à Lee Chang-Dong, on le trouvait déjà contenu dans le titre de son précédent long-métrage, le terrible Secret Sunshine. Âpre et peu facile d'accès, Poetry tente donc d'extraire un peu de lumière d'un réel parfois crapoteux, toujours montré dans sa vérité crue. Et pour voir de la poésie en toutes choses (une pomme, une rivière, une soirée karaoké, de la vaisselle sale), il suffit d'ouvrir les yeux, et d'y consacrer tout son temps ; un programme de lecture, quasiment une note d'intention, clairement explicités par le ''professeur'' de belle lettre, personnage amusant qui ne prend pas de détours – un peu ''trop'' clairement explicités, pourrait-on dire, pour en déduire un parallèle systématique entre le prof binoclard et le réal Lee Chang-Dong. ''Poésie'' donc, rien que ça. Vaste sujet que Lee Chang-Dong, adepte d'un cinéma dur et naturaliste, ne pouvait traiter qu'en dehors des sentiers rebattus, hors des clichés enjoliveurs...
(la suite de la critique sur mon blog : http://mon-humble-avis.blogs.allocine.fr)