Film dont la force repose sur le décalage entre l'héroïne, une mamie-gâteau bien apprêtée, et les malheurs qui lui tombent sur le coin de la gueule. Le personnage de la vieille est touchant. C'est la candeur personnifiée, du moins au début du film. Seulement, au bout d'un moment elle finit par énerver Mamie Nova. Et vas-y que je rigole bêtement [il faut bien évidemment voir le film en vost], que je me laisse marcher dessus comme une merde, que je reste plantée des heures devant le spectacle de mère-nature, etc. Allez, remue-toi et fous leur de grandes tartes ! Plus sérieusement, Yoon Jung-hee, qui a reçu la lourde tâche d'incarner ce personnage si étrange, s'en sort à merveille. Ses expressions, ses intonations de voix, sa gestuelle... tout est impeccable. Les panégyriques que les critiques ont dressés à son égard sont largement mérités. Du côté du scénario à présent, Lee Chang-Dong joue ouvertement la carte de la provoc. : maladie neurologique, relations sexuelles immorales, la question du pouvoir de l'argent, l'éducation et ses impasses, ... Le réalisateur coréen dépeint une société vérolée dont la merditude contraste avec la beauté de la nature. La fin du film, si importante comme chacun sait, est une réussite. Elle relève de la catégorie "semi-ouverte". Pas du David Lynch, mais la réponse n'est pas non plus servie sur un plateau. En clair, c'est juste parfait. Malgré tout, je dois bien avouer que je n'ai pas accroché plus que cela. La vieille bique a fini par m'insupporter. La lenteur du scénario m'a achevé. Les temps morts sont, à mon goût du moins, trop nombreux. On pourrait quasiment aller de temps à autre à la cuisine se faire un café, bouffer une saloperie dans le frigo ou encore établir la liste des courses de la semaine. "Poetry" manque cruellement de rythme, et l'absence de musique accentue cette lenteur. Dernier défaut, autant rédhibitoire que les autres, le délire philosophique sur la poésie. On nous sert un discours vaseux et longuet sur la façon de composer un poème. Ce fil rouge, qui donne une vraie cohérence au film, devient à un moment donné ridicule. J'ai craqué au 67e poème environ. Voir défiler tous ces glands qui , les uns à la suite des autres, nous débitent leurs pseudo-chefs d'œuvre, je n'ai pas pu. Quand le "prof de poésie" se lance dans son blabla, on en arrive à vouloir se faire seppuku afin d'abréger ses souffrances. Au final donc, un film qui se démarque du tout-venant de la production cinématographique, mais qui ne plaira pas forcément.