La dévotion à autrui propre au professeur Yamamoto lui vient de son enfance. Il est né et a grandi dans un village de la préfecture d’Okayama. Son père souffrait d’une maladie chronique, et il n’y avait pas de médecin dans le village. Le metteur en scène Kazuhiro Soda confie :
"Le petit Yamamoto devait donc aller chercher ses médicaments dans la ville voisine. C’est comme ça qu’il a progressivement développé son désir de devenir médecin, tout en disant n’être pas très doué pour l’école. Même après être entré de justesse à la faculté de médecine, il n’avait pas confiance en ses capacités et ses connaissances. Il a choisi la psychiatrie, car il s’agissait d’un domaine dans lequel les chercheurs et les médecins les plus brillants possédaient peu de connaissances, ce qui le plaçait sur un terrain d’égalité."
Kazuhiro Soda a publié un livre avec le professeur Yamamoto. Il s’agit de la transcription d’une conversation de deux jours. Le cinéaste précise : "Il s’intitule hito-gusuri, ce qui peut se traduire par « médecine humaine ». C’est un mot créé par le professeur Yamamoto, qui définit le cœur de son approche médicale. Il croit par-dessus tout que nous avons besoin de soins « humains », de chaleur et de lien affectif pour guérir nos maladies mentales. Selon lui, les êtres humains sont nos meilleurs médicaments."
La première partie de Professeur Yamamoto part à la retraite est consacrée aux consultations. En ce sens, ce documentaire ressemble beaucoup à Mental (que Kazuhiro Soda a réalisé en 2008) dans sa forme. Le réalisateur raconte :
"Au départ, je m’attendais à tourner beaucoup plus chez lui, mais je devais introduire le professeur en tant que psychiatre, sinon le public qui verrait ce couple de personnes âgées à la maison n’aurait pas l’arrière-plan."
"J’ai donc décidé de filmer la clinique pour exposer sa posture, celle d’un médecin sur le point de prendre sa retraite. Ces scènes m’ont frappé par leur importance... Chacune ressemblait à une séance d’adieu. Au tournage, je pleurais à chaque fois."
"C’était bouleversant d’assister à tous ces adieux. C’était comme si le professeur Yamamoto quittait ce monde. Je pensais consacrer les dix premières minutes à la clinique, mais finalement ces séquences ont pris la moitié du film."
Le film est divisé en deux grandes parties distinctes. Dans la seconde, nous quittons l’espace public pour le privé. Kazuhiro Soda nous en dit plus par rapport à cette structure : "Elle s’est imposée dès le premier montage. Suivant mes dix commandements, je ne planifie jamais rien à l’avance. J’essaie de faire le vide dans ma tête quand je tourne et monte. Un film plus traditionnel serait probablement revenu à une scène de consultation à la fin. En ce sens, mon film a une structure singulière mais elle me semblait naturelle."
Dans Professeur Yamamoto part à la retraite, Kazuhiro Soda a eu recours au flash-back pour la première fois. Il explique pour quelle raison : "De nombreux patients ont du mal à cuisiner en raison de leur état de santé, leur alimentation est très pauvre. Pour compenser, Yoshiko préparait des repas gratuits avec d’autres bénévoles chaque jeudi pour qu’ils puissent apprécier ce que nous appelons au Japon le « goût de la cuisine maternelle » [ofukuro no aji]."
"Je me suis souvenu l’avoir filmée en 2005 mais je n’avais pas utilisé ces images. J’en ai eu honte, car je me suis rendu compte qu’ils dirigeaient la clinique ensemble. J’ai complètement ignoré cet aspect dans Mental. Je n’ai mis en avant que les patients et le professeur. J’ai utilisé le flash-back pour deux raisons : d’une part, je voulais montrer Yoshiko lors de notre première rencontre ; d’autre part, je voulais compenser le fait que je l’avais totalement « invisibilisée »."