La réalisatrice a imaginé Évolution, son second film, comme une expérience onirique mêlant plusieurs de ses propres fascinations : les profondeurs marines et le milieu hospitalier transformé en centre d'expérimentations. Elle raconte ce choix : "J'ai juxtaposé ces deux mondes pour en faire l'écrin des deux principaux thèmes du film : le rapport à l'enfantement et le passage à la puberté, traités sus l'aspect d'un conte fantastique". Elle reprend également le thème de la puberté et du passage à l'âge adulte, déjà évoqué dans Innocence.
Lucile Hadzihalilovic a puisé dans son enfance de nombreux éléments se retrouvant dans Évolution. "Malgré son caractère onirique, le projet vient certainement d'un séjour que j'ai fait à l'hôpital à l'âge de onze ans. Il ne s'agissait que d'une opération de l'appendicite, mais cet épisode a eu un fort impact émotionnel et fantasmagorique", se souvient-elle. "Pour la première fois, des adultes inconnus regardaient et touchaient mon corps, et même l'ouvraient! [...] Sous une forme stylisée et déformée, ce film est tout entier imprégné d'éléments de mon enfance".
Afin que le spectateur se retrouve dans la même situation émotionnelle que le personnage principal, Lucile Hadzihalilovic a volontairement gommé tout repère dans Évolution : "Cet univers clos, situé dans une réalité parallèle, a sa propre logique. Le spectateur, perdant ses repères, s'y retrouvera dans la même position incertaine que Nicolas qui ne peut jamais deviner ce qui va se passer et doute de ce qu'il voit", explique-t-elle. "Le film joue sur une marge d'interprétation qui pousse le spectateur à s'y investir, à s'approprier les personnages, leurs purs et leurs désirs".
La cinéaste a travaillé sans story-board au préalable, définissant seulement quelques contraintes esthétiques avant le tournage avec Manu Dacosse, directeur de la photographie : "Nous nous sommes fixés un certain nombre de règles comme le format cinémascope, les plans fixes, ou le refus de tout éclairage artificiel en dehors de celui présent dans le décor".
Lucile Hadzihalilovic a tourné Évolution entièrement en numérique ; toutefois, elle a modifié l'image en post-production pour lui donner un aspect plus authentique. "Je craignais que le résultat aille à l'encontre de la sensation mentale et abstraite que je cherchais", explique-t-elle. "Cette abstraction, nous l'avons obtenue en redonnant de la texture à l'image par l'utilisation ponctuelle de fumée sur le tournage, et par l'ajout de grain en post-production".
Le tournage des prises sous-marines constituaient une véritable difficulté pour la réalisatrice, n'ayant pas de visuel direct sur la scène en train d'être jouée : "Nous n'avions pas de retour caméra. Je parvenais plus ou moins à voir ce qu'ils faisaient pendant la prise, mais pas le cadre. Pour regarder les plans, on devait sortir la caméra de l'eau et la décharger. Et recommencer si nécessaire. Ça prenait beaucoup de temps". Les courants marins rendaient également difficiles les positionnements des acteurs, qui évoluaient de surcroît en apnée.