Cela commence comme un roman-photo, avec tous les clichés du bonheur amoureux : enlacement devant un coucher de soleil, baiser devant un feu de cheminée, gambade joyeuse dans la nature… Les images sont ouatées et la musique sirupeuse. Seize ans plus tard, c’est intérieur gris, tablette de médocs, alcool planqué et grosse dépression. Mary a pourtant tout pour elle : un mari qui l’aime (malgré quelques infidélités), une fille charmante (même si elle ne lui parle pas beaucoup), une aisance financière (même si on lui a supprimé ses moyens de paiement). Ce sont précisément ces « malgré » et ces « même si » qui font de sa vie une existence par défaut. Et la façade sociale préserve les apparences d’un bonheur factice, d’un amour qui n’est plus.
Richard Brooks (scénariste et réalisateur) a imaginé l’un des premiers films ouvertement féministes, en présentant le mariage comme une prison dorée et les femmes au foyer comme « des zombies qui essaient de tuer le temps ». À l’héroïne qui cherche à vendre des objets personnels, un homme répond : « Pas d’alliance. Qui voudrait acheter le malheur des autres ? » Ambiance…
Probablement en avance sur son temps ou en décalage avec ce que pouvait ou voulait entendre le public, ce film n’eut aucun succès aux États-Unis et ne sortit jamais en France. C’est pourtant une œuvre intelligente sur le couple, la famille et l’american way of life. Le seul reproche que l’on pourrait faire à Brooks, c’est de trop charger la barque : un ton aussi désabusé, aussi amer, aussi cynique, finit par être un peu lourd. Et les dialogues sont si bien écrits, avec un tel sens de la formule, que cela tourne parfois au recueil de citations. Malgré cet aspect démonstratif, The Happy Ending (belle ironie) demeure toujours intéressant et convaincant, sur le fond et sur la forme (beaucoup d’intérieurs sombres). C’est aussi un très beau rôle pour Jean Simmons (Un si doux visage) qui était à l’époque la femme de Richard Brooks. Ils se sont séparés en 1977. On notera enfin l’audace de l’affiche, aussi trash que peu commerciale.