Non, "Senso" n'est pas le chef-d'oeuvre escompté que j'attendais depuis des mois. Réalisé en 1954 par Luchino Visconti, cette oeuvre surpasserait pour certains "le Guépard" du même auteur. Je ne suis pas du tout de cet avis et je me demande si finalement, ce n'est pas de cette comparaison que souffre le plus cet aîné. Splendide, le film l'est parfois. Bavard, trop souvent. Je ne comprends absolument pas l'obstination du maître à filmer d'interminables dialogues romantiques, qui, sans être mièvres, n'apportent pas grand-chose à l'ensemble, ne le faisant avancer que péniblement. Durant la majeure partie de la projection, on peut observer la belle Alida Valli déployer sa panoplie d'actrice face au non-moins charmant Farley Granger. Il faudra attendre le dernier tiers pour que tout s'envole. Des thèmes aussi importants que l'amour, la trahison, la séduction y sont évoqués par le couple mythique. Visconti souligne une certaine décadence, aussi bien comportementale que psychologique. Il dénonce la guerre tout en s'y aventurant, traitant ses protagonistes avec mépris. L'analyse sociale est très juste, l'étude de caractères vaut plus que le détour (je ne pourrais résumer tout cela ici) et l'intrigue atteint une tension dramatique paroxystique. Le réalisateur peint admirablement une suite de tableaux désespérés, laissant éclater à pleine mesure son talent lors de trop rares séquences. La majeure partie du temps, il pose sa caméra qui, malgré de superbes prises de vues dans des angles impossibles, ne parvient pas à retranscrire aussi bien qu'il l'aurait souhaité une époque révolue. Trop statique, pas assez d'animation, mais surtout de VIE dans ce long-métrage qui tend vers une contemplation des plus extrêmes, magnifiant chaque geste de manière un peu trop gratuite. L'ambiance ne suit pas et on se prend à regretter les trop nombresuses absences musicales qui auraient donné une dimension épique à ce "Senso" parfois magnifique mais trop souvent à l'arrêt.