La hantise du futur, elle ronge la pellicule et les personnages, à la manière d'une vielle chanson dont on ne parvient pas à oublier la mélodie, incrustée comme une plaie dans un corps. Le couple d'apparence fusionnel, Jason et Sophie, partage cette même peur, cette même plaie. Ce n'est pas celle de la mort, mais celle de la vie. Car vivre, c'est mourir (je ne vais pas citer Maupassant même si c'est déjà fait). Le temps qui passe devient l'ennemi principal, chaque seconde perdue rendant l'ombre de la vie toujours plus imposante. Pour Paw Paw, le chat qui n'a plus qu'un mois à attendre avant d'être recueilli par le couple, c'est l'inverse. Les aiguilles qui tournent le rapproche de la vie, prêt à sortir de sa cage et à embrasser la liberté.
Mais un mois c'est long et furtif à la fois, tout dépend du point de vue. Le temps est une donnée variable qui met à l'épreuve les trois personnages. Ce mois devient le mois de tous les doutes et de toutes les remises en question. On s'interroge sur la vie de couple, et ce duo d'agoraphobes, de casaniers, de solitaires, va se mettre à quitter la bulle dans laquelle ils sont vautrés depuis des années pour découvrir le monde avant qu'il ne soit trop tard. Comme s'ils sortaient eux aussi de leur cage. Le contraste entre l'intérieur et l'extérieur devient très marqué tandis que Jason arpente les rues pour vendre des arbres et que Sophie fait une rencontre qui va mettre en péril toutes les promesses jusque là murmurées avec tendresse.
Miranda July effleure la peur de vivre, d'aimer, de vieillir et d'aimer encore. Les amants, qui se ressemblent comme frères et sœurs – même cheveux en bataille, même excentricité – s'aiment au point de ne pas pouvoir s'aimer. La contradiction de la vie, de son existence limitée, les pousse à fuir. Ils se perdent et se retrouvent, encore et toujours, et ce mois devient alors une succession d'épreuves qui semblent leur être infligés. Qu'est-ce qu'ils cherchent vraiment ? Ils ne le savent pas et ne le sauront probablement jamais. Ils ne veulent que fermer les yeux et prétendre que le monde s'est arrêté, enlacés l'un contre l'autre pour l'éternité.
L'intimité statique se dévoile à travers des cadres simples, la réalisatrice venant épurer son champ filmique, souple et léger, qui semble être la retranscription même des vagues du temps et de l'amour. Les interventions du chat sont là pour faire ressortir toute la mélancolie de la vie et du désarroi qui l'abrite, où l'espoir devient la seule raison d'être, jusqu'à ce qu'il soit anéanti à son tour. C'est beau, sensible et poétique ; drôle, tragique et fantastique. C'est une fibre lumineuse qui passionne autant qu'elle désole et qui appelle à s'interroger soi-même. Et malgré toutes les épreuves, la peur n'est jamais vraiment partie, la chanson résonnant encore dans nos oreilles.