Pour quelqu'un qui s'apprête à se suicider, tomber sur Solo est certainement la pire épreuve qui puisse lui arriver. Car le chauffeur de taxi posséde une résistance aux rebuffades impressionnante, une capacité à se taper l'incruste envers et contre tout, le tout assorti à une mentalité de bon Samaritain qui devient peu à peu l'enjeu dramatique du film.
S'il y a bien quelque chose d'intéressant dans "Goodbye Solo", c'est certainement le refus de l'explication psychologique appuyée des personnages. Le film démarre alors que William et Solo sont déjà dans le taxi, au moment où le chauffeur sénégalais comprend quel est le projet de son client. On ne perd pas de temps à raconter l'avant, d'une part parce qu'on peut facilement le deviner si on a déjà pris un taxi une fois dans sa vie, et d'autre part parce que c'est au travers des yeux de Solo, présent de bout en bout à l'écran, que le spectateur découvre le peu d'indices sur ce qui a amené William à cette résolution.
Cette focalisation sur le personnage de Solo donne une force narrative évidente, et permet d'ouvrir le récit sur d'autres aspects de l'intrigue, comme sa relation avec Queyra et sa fille Alex, ou ses espoirs de devenir stewart. Mais elle nous rend aussi tributaire de l'optimisme forcené du héros, et cela en devient éprouvant, tant sa gentillesse indefectible finit par être insupportable. Ces errement de Solo accentue l'impression de décousu, voire de redites que le scénario donne, faute d'une ligne conductrice plus ferme.
Calquée sur les humeurs de Solo, la progression du film bascule quand ce dernier accepte enfin celui qu'il a proclamé comme son ami tel qu'il est, et renonce à faire son bien contre sa volonté. Ce basculement correspond à la dernière partie du film à l'ambiance totalement différente, tant du point de vue visuel que de celui de la narration débarassée de la loghorrée sympathique de Solo.
"Goodbye Solo" est construit sur l'opposition. L'opposition entre Williams le taciturne et Solo le volubile, celle entre l'obscurité de l'action urbaine, qui se déroule presque tout le temps la nuit, durant le service de Solo, et la blancheur fantômatique de la fin dans les superbes paysages de Blowing Rock. Mais la principale opposition est celle de la situation des deux héros face au rêve américain. Solo, immigrant de fraîche date, s'est vite coulé dans le meltin pot, entre ses compatriotes chauffeurs de taxi, ses copines (l'actuelle et son ex) latinas, et son pote dealer. Il croit pleinement à l'ascenseur social, et la présentation qu'il fait de lui-même au jury de la compagnie aérienne souligne sa croyance dans le modéle américain.
De Williams, on ne sait pas grand chose, à part sa résolution de se suicider et un goût pour la musique country. Mais sa gueule et son projet suffisent à comprendre que l'échec est possible aussi pays de l'American Dream, et c'est bpeut-être ce constat qui rend l'idée même du projet de William aussi insupportable à Solo.
"Goodbye Solo" trouve sa place dans cette série de films indépendants américains qui s'intéressent aux bas-côtés de la société US, comme "Wendy et Lucy" ou "The Visitor", avec les mêmes qualités d'ouverture à des aspects méconnus de la société américaine, mais aussi les mêmes défauts du mélange paradoxal d'épure et de didactisme démonstratif.
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