Outre l'acolyte Christopher Doyle, la troupe d'acteurs fidèle à Wong Kar-Wai a répondu présente pour le tournage des Cendres du temps. On retrouve bien sûre les partenaires de toujours, Tony Leung Chiu Wai et Maggie Cheung, mais aussi Leslie Cheung qui a également participé à Nos années sauvages et Happy Together. Brigitte Lin était, elle, de la partie Chungking Express. On a pu apercevoir Charlie Young dans Les Anges déchus et Carina Lau dans 2046 et Nos années sauvages. Dans ce dernier film, Jacky Cheung était également présent, ainsi que dans As Tears Go By, le premier long métrage de Wong Kar-Wai.
Le tournage des Cendres du temps a duré presque deux ans. Le budget a été considérablement dépassé et le film a été un échec commercial car le public s'attendait à un film classique d'arts martiaux. Les acteurs et l'équipe du film devaient faire sans arrêt des aller-retour entre la Chine et Hong-Kong et le tournage éprouvant dans le désert a fini d'épuiser physiquement et nerveusement les acteurs et les techniciens.
Les Cendres du temps est très différent de l'univers habituel dans lequel baigne les créations du cinéaste chinois Wong Kar-Wai. Sa méthode de travail à, elle aussi, été bouleversée durant cette expérience. Il s'est d'ailleurs exprimé à ce sujet : "Il y a également une différence majeure entre Les Cendres du temps et mes autres films. En général, je pars d'un début d'intrigue ou de quelques personnages, et je comprend peu à peu quelle direction prend l'histoire et comment elle se termine au cours du tournage. Pour ce film, en revanche, je savais comment les personnages allaient finir, et je ne pouvais rien y faire. J'en ai retiré un certain fatalisme. Maintenant que le film est achevé et que je repense au tournage, je me surprend à me souvenir d'un passage du Canon Bouddhique que je souhaite utiliser en avant-propos du film : "L'étendard est immobile. Pas un souffle de vent. C'est le coeur de l'homme qui est en tourment !""
Le grand directeur de la photographie Christopher Doyle, auquel on doit notamment la lumière de In the Mood for Love et 2046, s'est exprimé au sujet de son expérience sur Les Cendres du temps : "Je n'aurais pas pu signer la photo du Chemin de la liberté si je n'avais pas éclairé Les Cendres du temps, et je n'aurais pas pu participer à Hero si je n'avais pas éclairé Les Cendres du temps et Le Chemin de la liberté. Les difficultés propres à un tournage dans le désert - l'immensité de l'espace, la particularité de la lumière et la manière dont elle captive le regard, la nécessité de se montrer patient, les décisions qu'il faut prendre dans un tel contexte - m'ont préparé aux défis des tournages ultérieurs." Et à propos de Leslie Cheung et de la ressortie du film : "Je suis très heureux de pouvoir rendre hommage à Leslie. Il me manque tellement. Mais la croyance occidentale selon laquelle il a été immortalisé grâce à ses films est erronée. Cela ne correspond pas à la manière de voir les choses en Asie. Il s'agit plus d'une réincarnation que d'une immortalisation. Je crois que c'est là tout le sens de Redux."
C'est lors d'une pause durant le tournage des Cendres du temps que Wong Kar-Wai a tourné Chungking Express. A l'opposé du tournage fleuve des Cendres du temps, celui-ci a été tourné et monté en moins de trois mois et avait notamment pour but de parvenir à financer la fin du tournage du film de sabre qui avait considérablement dépassé son budget initial.
Le Jianghu ("fleuves et lacs") est la dénomination de l'univers parallèle dans lequel se déroulent les romans ainsi que les films d'arts martiaux. Si ce monde à des points communs avec le notre, il s'en différencie également à de nombreux égards. Les personnages y sont, en général, plus grands ou plus petits et disposent de pouvoirs surhumains qui leurs permettent de contrôler leur qi, c'est-à-dire leur énergie vitale. Les individus établissent eux-mêmes leur propre code moral et la frontière entre les sexes est beaucoup moins distincte que dans le monde réel. La différence majeure vient du fait que l'univers du Jianghu n'obéit plus forcément aux lois de la physique telles que nous les connaissons. A l'occasion, les individus peuvent même voler. Le genre du Jianghu remonte au moins à la dynastie des Ming (1368-1644) et perdure toujours aujourd'hui. Depuis quelques années, c'est un genre qui est revenu sur le devant de la scène et a été modernisé grâce à des cinéaste comme Wong Kar-Wai, Ang Lee, Zhang Yimou et Tsui Hark.
Le film a remporté 3 Prix sur 5 nominations aux Hong Kong Film Awards de 1994 : Prix de la meilleure direction artistique (William Chang), de la meilleure photographie (Christopher Doyle) et des meilleurs costumes et meilleur maquillage (William Chang). Il a également remporté le Prix de la meilleure photographie et du meilleur montage aux Golden Horse Award de Taiwan (1994). Au Festival de Venise 1994, Christopher Doyle a encore été récompensé du Prix de la meilleure photographie.
Il y avait de nombreuses versions différentes des Cendres du temps qui circulaient à travers le monde, sans avoir toutes étaient approuvées par Wong Kar-Wai. C'est ainsi que le cinéaste et ses collaborateurs ont décidés de reprendre le montage du film afin d'en établir la version définitive.
Wong Kar-Wai explique qu'il a souhaité s'éloigner quelque peu du genre traditionnel qu'induisent les arts martiaux. "Au lieu de représenter mes personnages comme des héros surdimensionnés, j'ai voulu les traiter comme des gens normaux, avant justement qu'ils ne deviennent des héros..."
Avec Les Cendres du temps Redux, Wong Kar-Wai a enfin pu exprimer ce qu'il avait souhaité en réalisant son film qui disposait d'un budget trop faible pour mener à bien son entreprise de l'époque. "Nous avons créé Jet Stone Films en 1992 et Les Cendres du temps est le premier film que nous avons produit," explique le cinéaste, "j'ai toujours regretté que nos moyens limités, à l'époque, ne nous aient pas permis d'obtenir la qualité technique que le film exigeait. Aujourd'hui, 15 ans plus tard, je veux rectifier le tir."
Lors de son passage au Festival de Cannes 2008, Wong Kar-Wai c'est exprimé son choix d'adapter un roman de sabre et surtout sur l'extrême importance de ceux-ci dans la culture chinoise. "Les romans d'arts martiaux font partie de la littérature chinoise, depuis ses origines. Ils ont été très populaires dans les périodes troublées de l'histoire : au tournant du siècle dernier, au moment de la guerre civile en Chine, pendant la guerre sino-japonaise, et au début des années 50 à Hong Kong. La raison est peut-être que le monde décrit dans ces romans est un univers imaginaire, où les valeurs existent uniquement sous une forme absolue. C'est aussi un monde où la seule loi est la loi de l'épée. Et surtout, ces romans reposent sur des héros".
Wong Kar-Wai propose une nouvelle version de son film Les Cendres du temps qu'il a réalisé en 1994. Le cinéaste s'est exprimé à ce sujet lors d'une conférence de presse organisée à l'occasion de la présentation en avant-première de cette nouvelle mouture au public cannois : "Il est difficile, explique-t-il, d'envisager un rêve qui a plus de quinze ans sous un nouveau jour. Les nouvelles technologies ont été d'une grande efficacité la plupart du temps, mais pas toujours. J'ai essayé d'éviter de revoir le film à travers le prisme des expériences et des évolutions que j'ai traversées depuis cette époque. Je veux seulement que le film soit ce qu'il a toujours censé être, et j'assume donc autant ses qualités – si tant est qu'il en ait – que ses défauts."
Les Cendres du temps Redux a été présenté en séance spéciale lors du 61ème Festival de Cannes (2008) en présence du réalisateur Wong Kar-Wai. Il s'agit d'un grand habitué de la quinzaine cannoise puisqu'il y a déjà présenté Happy Together (1997), In the Mood for Love (2000), 2046 (2004), My Blueberry Nights (2007) ainsi qu'un des segments du film évènement du soixantième anniversaire du Festival, Chacun son cinéma (2007).
Les Cendres du temps est inspiré du roman de Louis Cha, dont le véritable nom est Jin Yong, "La Légende du héros chasseur d'aigles". Il s'agit d'un auteur chinois de romans de cape et d'épée à grand succès. Le roman qui a servi de base au film de Wong Kar-Wai est le premier volet d'une trilogie littéraire. Il est suivi de "Le Retour du héros chasseur d'aigles" et "L'Épée céleste et le sabre du dragon".