" La Régate n'est pas un film de guerre pour la guerre. C'est un film de guerrier. Un guerrier qui refuserait la guerre. Un déserteur. Ce n'est pas un film qui s'enfonce dans la violence, c'est la trajectoire inverse. C'est l'histoire d'un homme en devenir qui se bat contre lui-même. C'est l'histoire d'un combat intérieur pour devenir un homme libre. C'est l'histoire d'Alexandre qui se dresse contre la fatalité de la violence pour aller à la quête de sa propre humanité, enfouie mais pas disparue. "
Le réalisateur Bernard Bellefroid s'est inspiré de son vécu personnel pour écrire ce film. " Je connais bien Alexandre, mon personnage principal. J'ai longtemps regardé le monde avec ses yeux, raconte-t-il. Comme lui, j'ai longtemps vécu dans une violence que l'on dit domestique, cachée. Comme lui, je scrutais les portes pour m'enfuir. Je sursautais à chaque fois qu'on s'approchait de mon visage. A quinze ans, regarder, observer, épier, c'était les moyens de ma survie. Quinze ans plus tard, regarder est devenu mon métier. Heureusement, les raisons évoluent avec l'âge. A quinze ans, c'était pour se venger. A vingt ans, pour juger. A vingt-cinq ans, pour comprendre. A trente ans, il était indispensable de raconter combien cette histoire était aussi une histoire d'amour. De l'amour qui s'exprime mal mais de l'amour quand même. "
Le réalisateur Bernard Bellefroid a choisi l'aviron, parce qu'il s'agit d'un sport d'une très grande violence. " Je trouvais fort qu'Alexandre tente de se guérir de la violence avec une autre violence, mais sur laquelle il a prise, contrairement à celle qu'il subit chez lui, raconte-t-il. L'aviron offre également la possibilité d'évoluer d'un sport individuel vers un sport d'équipe. Quand Sergi oblige Alexandre à ramer avec Pablo, c'est la question de l'altérité que le film pose. Il n'est évidemment pas possible de ramer à deux sans se connaître, s'apprivoiser. Alexandre retrouve son humanité enfouie mais pas disparue grâce à l'amour et l'amitié que les autres lui portent, Sergi, Pablo et Murielle. "
Le réalisateur Bernard Bellefroid souhaitait faire un film où le plus grand amour, la plus grande lumière, cohabitent avec la plus grande noirceur. " C'était mon moyen de fabriquer du gris en allant très vite du noir vers le blanc et du blanc vers le noir, raconte-t-il. Au début du film, je voulais qu'il n'y ait pas de violence visuelle. Que la violence soit dans le cadre, dans la relation père-fils et que progressivement, au fur et à mesure que la relation se dégrade, la caméra évolue davantage vers une caméra à l'épaule. Cette progression n'est d'ailleurs pas destinée à être vue, juste à être ressentie. Avec mon cadreur, nous nous sommes donnés une contrainte de western. Nous voulions que le père et le fils vivent chacun dans son cadre, que ce n'est que lorsqu'ils se battent et/ou s'aiment qu'ils apparaissent ensemble dans le même cadre. J'ai procédé de la même façon pour la musique, entre des musiques de type rock/punk préexistantes et un piano retenu, composé. La musique punk, c'était un peu la rage qu'Alexandre aimerait crier au monde mais qu'il doit taire. Quant à son contrepoint, avec Claudine Muno, la compositrice, notre idée était de créer quelque chose de l'ordre de la comptine."
Pour trouver Joffrey Verbruggen, l'acteur qui allait interpréter le rôle du jeune Alexandre, le réalisateur Bernard Bellefroid et son équipe sont passés par les circuits habituels de casting en France, en Belgique et au Luxembourg, puis par un casting sauvage. " Ce n'était pas compliqué de trouver des petites frappes, des adolescents déjà très durs, raconte le cinéaste. Moi, je cherchais autre chose. Je voulais qu'il reste chez Alexandre quelque chose de l'ordre de l'enfance que le père pourrait briser. C'est ce qui m'a touché chez Joffrey. Par ailleurs, dans le rapport physique qu'il forme avec Thierry, il me permettait de raconter cet âge de la frontière ; plus vraiment l'enfance mais pas non plus l'âge où le fils devient aussi fort que son père. Dans le travail ensuite, j'ai surtout cherché à élaguer, à aller vers la sobriété, la pudeur, l'enfermement. Par ailleurs, le sujet du film résonnait très fort en lui, mais on a parlé de tout, sauf de ça. Ce n'était pas nécessaire. Il est impossible de construire de la fiction en restant enfermé, prisonnier de soi-même. "
La Régate a remporté le Prix du Public et le Prix de la Jeunesse au Festival de Namur 2009, et a été présenté en Compétition au Festival Premiers Plans d'Angers en 2010.