Un chat un chat a été présenté en 2009 au Festival de Berlin, dans le cadre de la section Forum.
Sophie Fillières précise ses intentions : "J'avais envie d'une histoire entre deux personnages, engagés dans un rapport qui n'est fait ni d'amour, ni d'amitié. Je voulais traiter de ce qu'il peut y avoir de strictement humain entre deux êtres. Un rapport entredeux humains, qui, incidemment, sont deux humaines. J'avais besoin de me détacher des enjeux relationnels classiques, demontrer une autre forme de lien entre deux êtres. Il s'agit aussi pour moi de travailler la question du rapport à l'autre. Comment faire pour réussir à être avec l'autre et comment laisser l'autre, la différence venir à soi. C'est le rapport entre les deux qui m'intéresse, comment et de quelle façon l'une se rapporte à l'autre, et l'autre à l'une."
Après avoir dirigé sa soeur Hélène Fillières dans Aïe, Sophie Fillières a confié le rôle-clé d'Anaïs à sa fille Agathe Bonitzer, une comédienne qu'on a vue notamment dans La Belle personne de Christophe Honoré et dans Le Grand alibi réalisé par son père Pascal Bonitzer.
La réalisatrice revient sur la relation très singulière qui unit Célimène, écrivain de 35 ans, à Anaïs, une jeune fille qui fait irruption dans sa vie : "La vocation d'Anaïs est peut-être de venir pointer les contrastes de Célimène mais elle n'est pas réductible à un archétype. Elle a son propre chemin à faire. A partir du moment où elle demande qu'on s'intéresse à elle, et où elle s'offre comme sujet (d'un roman, mais pas que) elle n'est pas une exacte incarnation de l'inspiration, ou d'un simple dérangement. Elle véhicule, aussi, quelque chose de l'ordre du merveilleux. Elle est pour moi tout à la fois le diable dans la boîte, le lutin, la fée marraine. Elle est " celle sans qui... " (...) Célimène et Anaïs sortiront toutes deux, sinon grandies, du moins plus grandes, de leur rencontre. Elles accèderont à une intimité. Celle d'une histoire, peut-être d'amour, pour Anaïs, celle de l'écriture pour Célimène. Presque sans le vouloir, presque par hasard, elles ont échangé quelque chose. "
Sophie Fillières souligne que le travail avec sa fille s'est fait de façon "naturelle". Elle précise : "J'ai écrit le rôle d'Anaïs en pensant à Agathe. C'était elle, depuis le tout début. Agathe Bonitzer et son personnage Anaïs forment un tout que j'avais envie d'explorer. Il n'y a ni superposition ni adéquation directe, mais l'une nourrit l'autre et vice versa. Le va et vient était plaisant : la voir souvent comme le personnage, parfois comme ma fille... Très plaisant. Mais c'est quand même une composition ; Agathe est actrice, elle a inventé, cherché, proposé et j'ai travaillé avec elle comme avec les autres. Pour moi, elle a cette justesse toujours pointue, et elle est piquante. Dans ce moment aventureux qu'est la récitation de la lettre, la transmission des mots d'un autre, sous son parapluie, dans sa première scène avec Célimène, elle m'a vraiment cueillie."
Dans Un chat un chat, film aux dialogues particulièrement soignés, Sophie Fillières analyse la puissance du langage. "Pour moi la parole au cinéma c'est physique, c'est organique", explique-t-elle. "Les mots affleurent en pensée, immatériels d'abord, puis le cerveau ordonne au corps de les prononcer. Le corps est à l'oeuvre, les cordes vocales vibrent, la langue se positionne et hop, advient la voix ! Je garde toujours à l'esprit, en écrivant, que la parole est un investissement physique. La parole filmée, c'est de l'action (...) Célimène/Nathalie s'arrête de parler à un moment. Comme si elle remettait en question l'usage même de la parole, ces bruits qui sortent de nos bouches et qui veulent dire quelque chose, ce qu'on appelle langage, c'est merveilleux quand on y pense. Et j'essaye quece ne soit jamais de la conversation, je cherche une certaine économie."