Ce projet s'est imposé à Philippe Van Leeuw, parce qu'il lui permettait de conserver et de transmettre la mémoire du génocide. "Depuis ma première confrontation avec les images des camps de concentration nazis, je cherche à savoir comment les victimes succombent à l'anéantissement de leur instinct de vie, comment les bourreaux parviennent à surmonter les barrières morales de la société, comment une population entière se rend complice d'une telle abomination, explique le réalisateur. La tragédie rwandaise m'a apporté une réponse à la troisième question, celle de la passivité des témoins. Ce que je ne parvenais pas à comprendre quand les contemporains de l'Holocauste disaient qu'ils n'étaient pas au courant, qu'ils n'avaient donc rien pu faire pour venir en aide aux Juifs d'Europe, je l'ai vécu en 1994."
Le Jour où Dieu est parti en voyage n'est pas une reconstitution du génocide, mais s'inspire d'une histoire vraie. "En avril 1994, des amis ont été rapatriés du Rwanda dans l'urgence totale comme tous les coopérants étrangers, explique Philippe Van Leeuw. A leur départ, ils ont caché la nourrice rwandaise de leurs enfants, Jacqueline, dans le plafond de leur maison de Kigali en espérant qu'elle échappe ainsi au massacre. Ils n'ont jamais su ce qu'elle est devenue. Je reste habité par ce témoignage et par le fait que personne ne sait si Jacqueline a survécu. Si j'ai choisi de relater son drame personnel à l'intérieur de la tragédie du génocide rwandais, c'est parce qu'il me permet d'imaginer qu'elle est peut-être encore vivante."
Philippe Van Leeuw a opté pour une mise en scène sobre et discrète, voire classique. "Il fallait que l'attention soit entièrement dévouée à Jacqueline, que les lieux soient en relation directe avec elle, qu'ils soient strictement fonctionnels, et en même temps qu'ils révèlent une nature vibrante, totalement indifférente à la tragédie en cours, explique le réalisateur. Réalisme et naturalisme de la photographie, prise de son qui capte toute la richesse et la légèreté de l'environnement, contrepoint toujours vivant face à la blessure mortelle de Jacqueline."
Le Jour où Dieu est parti en voyage a remporté le Prix du Meilleur Premier Film (le prix Kutxa) au Festival de San Sebastian en 2009.
Lauréat de la Fondation Groupama Gan 2008, Le Jour où Dieu est parti en voyage a été présenté dans de nombreux festivals dont ceux de Toronto, San Sebastian, Namur et Calcutta, et a remporté le Prix du public du meilleur scénario au Festival Premiers Plans d'Angers 2008.
Le Jour où Dieu est parti en voyage s'est initialement intitulé Rwanda, 7 avril 1994.
Philippe Van Leeuw est né à Bruxelles en 1954. Après des études d'images à l'INSAS et l'American Film Institute à Los Angeles, où il est élève de Sven Nykvist et Conrad Hall, il rentre en Europe et devient chef opérateur pour des films documentaires, institutionnels ou publicitaires. Au fil de ces collaborations, il rencontre Bruno Dumont pour qui il sera directeur de la photographie sur La Vie de Jésus. A partir de là, il se consacre exclusivement à la fiction et travaille sur plusieurs longs comme Franck Spadone (2000) de Richard Bean ou encore Les Bureaux de Dieu de Claire Simon. Parallèlement, il s'intéresse à la photographie et écrit. Son engagement pour un cinéma social et politique le conduit aujourd'hui à réaliser son premier film, Le Jour où Dieu est parti en voyage.