Gigola est le premier film de Laure Charpentier et est en partie autobiographique. La réalisatrice souhaitait donc suivre et coordonner chaque étape du projet. Elle raconte: "Ça a commencé en 2002, après la publication de "Père, Impair et passe", dont je m'inspire aussi dans le film. Huit réalisateurs se sont proposés, dont Volker Schlöndorff (Palme d'or pour Le Tambour en 1979). Mais personne ne convenait. Alors, je me suis décidée à le faire. J'ai d'abord écrit le scénario, plus rythmé que le livre, avec des dialogues plus forts. Puis, je me suis mise à la réalisation. L'expérience a été superbe. J'ai eu une équipe qui ne m'a jamais fait sentir que c'était mon premier film."
Ce film est tiré du roman éponyme écrit par Laure Charpentier elle-même et paru en février 1972 aux éditions J.J Pauvert. Le livre est immédiatement censuré pour ses scènes érotiques. Il n'est re-publié qu'en 2002 chez Fayard et est réédité en 2011 par cette même maison d'édition. Par ailleurs, le livre devrait être traduit en anglais, en italien et en espagnol.
Le caractère sulfureux du film nécessitait un casting d'acteurs engagés, à l'image de Lou Doillon. Parmi ceux qui lui donnent la réplique, nous retrouvons des artistes sortis tout droit des films d' Almodóvar telles que Marisa Paredes (Tout sur ma mère, Parle avec elle), et Rossy de Palma qui incarne une barmaid de Chez Moune (Femmes au bord de la crise de nerfs, Etreintes brisées). Quant aux personnages masculins, on retrouve l'espagnol Eduardo Noriega et Thierry Lhermitte en père opiomane.
Au départ, le terme "garçonne" ne renvoie pas forcément à l'homosexualité. Le terme apparaît pour la première fois sous la plume de Huysmans (1880) et est repris en 1922 par Victor Margueritte, puis popularisé dans les années 20 par la coiffure à la garçonne et la mode y afférant. Le mot désigne avant tout une femme qui se plaît à raccourcir ses jupes et ses cheveux sans forcément afficher une préférence sexuelle. Par la suite le terme est déformé et regroupe la frange homosexuelle (lesbienne). Bien souvent ces "garçonnes" affectionnent les habits d'hommes et leurs accessoires tels que le monocle, elle fument aussi le cigare arborant, à leurs bras, leurs « maîtresses». Le personnage de Lou Doillon s'inspire de cette esthétique et rappelle quelque peu la silhouette de Colette qui se plaisait à se travestir.
L'histoire se déroule dans les années 60 dans les quartiers populaires de Pigalle et d'Anvers. Le film dépeint le monde de la nuit et celui des cabarets qui se sont multipliés durant ces années-là. "Le film Gigola fera revivre par l’image et par le son toute une époque, celle du monde de la nuit parisienne, lorsque le champagne et les dollars coulaient à flot... Lorsque maqs et prostituées faisaient la loi, dans un Milieu qui tenait le haut du pavé Montmartrois, entre codes d’honneur, trahisons et règlement de comptes…", rapporte la réalisatrice, Laure Charpentier.
La réalisatrice explique qu'elle a eu un véritable coup de foudre pour Lou Doillon: "Volker voulait Asia Argento. Mais moi, je la trouvais trop sexe pour le rôle. Puis, un jour, à l'hôtel Costes, j'ai vu Lou Doillon. Et je me suis dit, d'instinct, qu'elle pourrait le faire. Je la connaissais à peine. Mais je trouvais que sa personnalité flashait. On lui a envoyé le scénario, elle a accepté, heureuse. Pendant le tournage, on a eu une osmose, des larmes ont même coulé pour certaines scènes... C'est un rôle d'actrice parfait pour elle, qu'elle a complètement assumé."
L'actrice parle de son rôle qui s'est présenté comme un challenge alors qu'elle venait d'affronter un moment difficile: "J'ai eu la "chance" de commencer le film juste après une dépression. Avant j'aurais pu avoir la même force que Gigola, mais là c'était un gros challenge. Au final, je crois que cela a donné plus d'ambiguïté à l'héroïne. Pour interpréter ce personnage, je me suis rasé la moitié de la tête, je n'aimais pas l'idée d'avoir une perruque. J'étais devenue homme le jour, semi-homme le soir. Durant le tournage, j'étais dans tous les plans, on travaillait jusqu'à 16h par jour! Ça m'a vampirisée."
Contrairement aux États-Unis où la censure obligeait les cinéastes à n’évoquer l’homosexualité qu’avec prudence, le cinéma français a mis en scène dès ses débuts des gays et des lesbiennes, dans tous les registres du septième art. Souvenez-vous dans les films de Jean Cocteau du couple formé par Edwige Feuillere et Simone Simon dans Olivia (1950). Du côté des hommes citons des films comme La Cage aux folles - avec la performance exubérante de Michel Serrault en Zaza Napoli - ou La Meilleure façon de marcher de Claude Miller. Les comédies ont fusé sur le sujet: Gazon maudit ose montrer un trio amoureux dans lequel le mari est trompé par sa femme qui entretient une relation lesbienne.
Voyagez dans le Pigalle des années 60 au son de Salvatore Adamo, The Platters, Edith Piaf, Jeanne Moreau, Dalida ou encore The Shadows. Eh oui, tous ces artistes font partie de la bande originale du film.