London River a été présenté en compétition au Festival de Berlin en 2009. Sotigui Kouyate y a décroché le Prix d'interprétation masculine. Le jury était présidé par Tilda Swinton.
Le cinéaste précise ses intentions : "Mon film est moins sur les attentats mêmes que sur la rencontre qu'ils engendrent entre ces deux personnages. C'est ça qui est important pour moi, que ces deux personnes qui se rencontrent soient unies par le même problème, leur désir de retrouver leurs enfants respectifs. Et l'histoire se concentre sur ces deux personnes, un homme et une femme, ayant chacune un passé très différent mais qui ont les mêmes peurs, les mêmes angoisses. Il fallait une crise pour les réunir, et cette crise aurait pu être autre chose comme les attentats du 11 septembre, par exemple. London river est d'abord un drame humain, sur lamanière dont les gens réagissent à de tels événements, comment ils se trouvent dans un même endroit et se forgent leur relation."
Connu avant tout comme acteur de théâtre, notamment aux côtés de Peter Brook, Sotigui Kouyate jouait déjà l'un des rôles principaux de Little Senegal, film très remarqué de Rachid Bouchareb qui date de 2001. Le cinéaste a écrit London river en pensant à lui. Il avait par ailleurs envie de travailler avec Brenda Blethyn depuis qu'il l'avait vue dans Secrets et mensonges de Mike Leigh (film qui lui avait valu le Prix d'interprétation à Cannes en 1996). Il a attendu un an que l'actrice soit disponible pour tourner le film...
Après le projet à gros budget Indigènes, Rachid Bouchareb revient avec une production beaucoup plus légère. "", souligne-t-il. "Je voulais oublier complètement les esthétiques cinématographiques et mettre de côté toutes discussions techniques. Tout ce qui m'importait, c'était les personnages. Nous avions un quartier de Londres, deux acteurs, quinze jours, et nous travaillions au jour le jour. Il y avait peu de lumière, une équipe très réduite. En travaillant comme ça, j'étais débarrassé de l'obligation de passer beaucoup de temps à préparer des scènes, à répéter, à penser aux prises de vue. C'était très rafraîchissant de travailler de cette façon, avec très peu de préparation ou de préambule. En fait, la semaine avant de commencer le tournage, j'étais à Cannes pour participer au jury pour le Festival, et de là j'ai pris un avion directement pour Londres pour commencer le film. Je n'ai pas passé des semaines à penser au film à l'avance ; je suis arrivé avec la tête claire. De ce fait, le tournage, et je pense aussi le film, étaient beaucoup plus spontanés et plus intimes."
On retrouve dans des petits rôles trois des comédiens qui firent partie de l'aventure Indigènes (avec à la clé un Prix d'interprétation à Cannes) : Roschdy Zem, Sami Bouajila et Bernard Blancan.
Rachid Bouchareb évoque la marge de manoeuvre laissée aux acteurs : "J'avais écrit l'histoire du filmavant de commencer le tournage, mais une fois que l'on a commencé, il y avait de l'improvisation. Les scènes existaient déjà mais il fallait remplir les détails. Alors quand le personnage de Brenda Blethyn arrive pour la première fois devant la boucherie dans l'immeuble où habite sa fille, par exemple, ou quand elle rencontre Ousmane, sa réaction dans ces scènes n'était pas écrite, ses gestes étaient complètement spontanés. Il y avait d'autres improvisations entre les deux personnages principaux, des scènes qui n'étaient pas écrites à l'avance. Par exemple, quand on les voit en train de partager une pomme, ou quand ils se séparent pour la dernière fois. Je n'aurais pas pu écrire la gestuelle de cette embrassade qu'ils partagent, quand il se tient fort et droit comme un arbre alors qu'elle s'agrippe à lui. Pareil, je n'aurais pas pu écrire la scène où le personnage de Sotigui Kouyate chante pour consoler Brenda – ça venait entièrement de lui. Il ressentait le besoin de chanter, alors il l'a fait. Pour moi, cette méthode de travail a produit des moments parmi les plus bouleversants du film."
Sotigui Kouyate évoque sa connivence avec le réalisateur, qui remonte à l'époque de Little Senegal :"Il y a un proverbe Africain qui dit : " Ramenez-moi à hier ", ce qui laisse entendre, bien sûr, qu'hier était quelque chose de bien. Ma première expérience de travail avec Rachid était exactement ça. Nous avons tellement de choses en commun, en termes d'histoire et de l'humanité. Il y a peu de gens qui ont la même ouverture d'esprit que Rachid, le même respect pour les autres. Quand on travaillait sur Little Sénégal, il me demandait de lire le scénario et de dire ce que j'en pensais, si j'avais des critiques à faire – c'est très rare chez un réalisateur. Mais encore plus extraordinaire, c'est qu'après, il a adapté le scénario pour prendre en compte mon avis. Une telle considération crée une ambiance très positive dès le départ. Alors quand, après Little Sénégal, Rachid m'a dit qu'il voulait de nouveau travailler avec moi, je ne désirais rien plus que ça au plus profond de mon âme."
L'actrice anglaise Brenda Blethyn confie qu'elle a dû apprendre le français pour jouer ce rôle : "Je parlais très peu le français avant d'accepter ce film–un petit peu, mais pas assez. Avant le tournage, je travaillais à Manchester, alors je suis allée à une école française pour prendre des cours. Malheureusement, comme pour n'importe quelle compétence, on le perd si on ne le pratique pas. Mais j'ai suffisamment appris pour pouvoir improviser pendant le tournage. Et bien sûr, j'étais entourée de Français. (...) Parfois c'était difficile, mais les gens m'ont aidée. De temps en temps, il fallait vite chercher un traducteur. En tout cas, ce n'était pas nécessaire d'avoir unfrançais parfait – après tout, c'est une anglophone, mais qui parle français. Le personnage habite sur Guernesey, où beaucoup de gens sont bilingues. Je ne pense pas qu'elle soitnée là-bas mais ça fait des années qu'elle y habite."
Au départ, London river était destiné uniquement au petit écran. Suite notamment à la Sélection au Festival de Berlin, le film, qui a été diffusé sur Arte le 16 juin, connait finalement une exploitation en salles trois mois plus tard.