De Terence Davies, on ne connaît que "Chez les heureux du monde", adaptation d'un roman d'Edith Wharton. Révélé par "Distant Voices", uniquement connu des cinéphiles, ce cinéaste anglais évoque avec une certaine amertume la ville de son enfance, sa ville natale, Liverpool. En partie construit sur des images d'archives (les images tournées pour l'occasion sont moins convaincantes, vidées de nostalgie dans leur tentative de reconsidérer la ville telle qu'elle est aujourd'hui), le travail de Davies - et son talent - naît du montage ; sa profonde recherche d'images (vidéos, rarement colorées, ou photographies), admirablement vivantes et émouvantes d'une époque déchue, traitant de la guerre comme de la pauvreté ou de la naissance de la modernité architecturale, est épatante dans sa canalisation historique, et le rapport que ces images ont entre elles est riche, construit, poétique par les douces notes d'une berceuse de Fauré, conduisant l'image dans le sens de l'Histoire. Leur puissance évocatrice et pessimiste est un appel à la paix, un manifeste humain pour les droits et la morale. La construction est assez virtuose de simplicité pour faire passer les archives comme des séquences spécialement tournées pour être liées les unes aux autres. Le film rappelle aussi la mise en scène soutenant ces images d'époque qui, parce qu'elles sont passées, pourraient faire croire qu'elles n'étaient pas réfléchies (la notion du cadrage, par exemple, est toujours présente) ; "Of Time and the City" devient alors la mise en abyme du cinéma, notamment dans sa glorification, son apogée, voire même son ironique mise en beauté spectaculaire - l'ouverture sur rideau - . L'homosexualité est aussi au coeur de cette bouleversante déclamation en prose à la victoire et aux défaites de l'Homme. Souvent critiqué pour ses choix sexuels, l'auteur évoque subtilement sa condition, pendant que les visages des enfants pauvres jouant dans les rues couleur charbon rappellent la difficulté de vivre en une tell