The Driver, le personnage interprété par la pénombre d'un Ryan Gosling au regard Baudelairien, n'est pas comme l'on pourrait le croire, à l'issue d'une incohérente publicité, un conducteur de stock car dans les rues de Los Angeles; ce qu'il conduit est bien plus évanescent et éphémère. Et pourtant, la grâce du jeu de cet enfant perdu nous fait penser qu'il les manies depuis fort longtemps. Tout comme la cinéphilie de Nicolas Winding Refn, qui fait appel à une beauté au romantisme crépusculaire, disparue lors d'un temps ancien, dont la simple mémoire affective et esthétique, suffit à nous apaiser dans ce flot brassant à lui seul l'inquiétude et l'électricité factices. Ces dernières n'existent que par l'attachement, que l'on finit par porter à la solitude de cet apaisement, qu'il soit incarné par un décor aussi expressif qu'un tableau orphiste, ou par un protagoniste errant dans les limbes de son silence. Ce bavardage absent n'est pas signe de retenu, il est explosif, car lié par un sentiment éternel à notre intimité: il explose d'une joie amoureusement créatrice en nous, sans que nous voulions le partager avec qui que ce soit. La route de Drive est longue et aussi voluptueuse qu'un Océan. Rimbaud n'aurait jamais écrit le bateau Ivre s'il n'avait, ne serait-ce qu'un instant, pensé croiser la femme, la fleur impressionniste de toute les poésies, durant le songe qu'il lui fut nécessaire à sa composition. Et cet Océan dont il est question, est aussi trompeur qu'une flaque qui serait devenu miroir. Trop paisible pour cacher le monstre sans mesure, se tapissant sous les reflets. Mais ce monstre ni pathétique, ni grisant, finit par inspirer une muse imaginaire. On rêve alors de l'embrasser comme dans cet ascenseur, mais arriver au bout, au dernier étage, ou au dernier sous-sol, c'est l'enfer de l'inconnu que nous découvrons sans pouvoir le dévisager, et attendre que les portes se referment.
Si le final ne répond alors peut-être pas à cette métaphore poétique, le moindre doute de sentir le réalisateur faire tourner la pellicule est profondément injuste, mais malgré tout existant. Dès lors, Drive nous embarque dans une épopée chevaleresque, au cavalier non sans tête, mais sans voix. Comme s'il était non pas le pilote, mais piloté et débordé par une beauté qu'il ne comprend pas, et ne peut certainement pas exprimer.