Premier visionnage au cinéma : je n'ai pas comprit l'engouement considérable de la presse, et suis resté dans l'idée d'un simple bon et original film. Deuxième visionnage, et là, la vérité éclate : construit sur un scénario qu'on pourrait qualifier de "minimaliste" et qui n'est pas exempt de quelques stéréotypes, Drive puise toute sa puissance de sa forme, et l'érige vers des sommets. C'est un film qui élève l'âme, régale les yeux, enchante les oreilles et embaume le coeur. La force réside dans le soin incroyable de chaque instant : les plans dévoilent chacun une idée, les secondes de silence entre les répliques laissent s'échapper le souffle de la réalité et de la délicatesse, les petits sourires de Ryan Gosling et les grands yeux de Carrey Mulligan élargissent l'humanité, les éclairages judicieux éblouissent par la projection d'un monde mystique entier sur les faces des personnages, les notes de la B.O, parfois envoûtantes, d'autres fois imparfaites, collent néanmoins merveilleusement aux scènes et créent comme une seconde vie au film. Les seconds rôles talentueux apportent une touche d'explosivité : Ron Perlman est un "méchant" d'une humanité dans ce qu'elle a de désagréable et de touchant, Christina Endrix est la beauté pâle et troublante cachant la sensibilité, et surtout Albert Brooks est le meilleur du film, le luron et le salaud irrésistible, l'acteur bombe faisant mouche à chaque phrase et chaque ton, l'effrayant et fascinant méchant. L'hypnotisme et l'émotion atteignent un summum lors de la confrontation final (tout se fait au dialogue pacifique posé et concis, pas au couteau et au flingue) du héros et du méchant, où l'étude de chaque instant, la musique, les mots, les silences, l'image, offrent une des minutes les plus parfaites du cinéma. Et finalement, que reprocher au scénario où tout sonne juste, des morts originales, de la crédibilité relative de l'histoire, de l'inattendu de chaque minute, de l'absence de manichéisme et d'un héros contradictoire mais fascinant ? Assurément, Drive, faux film d'action (3 vraies scènes d'action, très courtes et sans excès) vrai thriller, devrait servir de référence suprême au blockbuster américain : par son soin de conception, sa lenteur, son intimisme, son épaisseur, son originalité, son audace modéré, sa retenue. Mais c'est aussi une réussite quasi totale, à la fois de mise en scène, de photo, de narration, de montage et d’interprétation. Un authentique chef d'oeuvre discret.