C'est sans réelle attente que je me suis décidé à regarder ce film. Mais dès les premières images ce fut la révélation. La mise en scène tout d'abord, élégante, raffinée et juste. Nicolas Winding Refn nous hypnose et nous transporte dans un cadre onirique, les rues de Los Angeles éclairées de néons donnant une densité intouchable aux virées nocturnes de Ryan Gosling. Des travellings longs, traversant les salles, immergent le spectateur dans le récit. Refn sait accorder de l'importance à la mise en scène qui, ici, élève le film au rang de chef-d'oeuvre.
La bande-annonce présente Drive comme une traditionnelle histoire d'argent, de vengeance et de violence teintée de courses-poursuites haletantes. Mais il n'en est rien (ou presque). Le rapport que le personnage de Ryan Gosling entretient avec la conduite est montrée de façon sensuelle, nécessaire. La conduite n'est pas un artifice servant de prétexte à démontrer les talents du réalisateur, mais une partie intégrante de l'histoire. Elle est un besoin, amène le driver à une régénération et à une affirmation de lui-même. Car c'est à travers sa voiture que le driver s'exprime, à défaut d'être quasi mutique durant l'intégralité du film.
Le personnage de Ryan Gosling, à la fois rempli d'amour et de rage -
je veux dire par là bien évidemment lors de la scène de l'ascenseur
- est hors des obligations sociétales, hors des normes dans sa façon de s'exprimer. Cependant émane de lui une sympathie et une autorité que l'on se doit de respecter. La scène mémorable du verre d'eau, pleine de regards timides de la part de Carey Mulligan, montre bien que l'on peut faire passer un concentré d'émotions sans passer par un dialogue long et futile.
Une critique acerbe aussi se dévoile dans la représentation de l'argent-roi et de l'éternel dû. Le mari du personnage de Carey Mulligan, bien que ridicule dans son comportement lorqu'on le compare au driver, porte ensuite un sens lorsqu'il se retrouve entraîné dans une spirale qui lui a été imposée, dictée par les chefs des activités illicites locales, interprétés par Ron Pearlman (rempli de 'fuck!' en VO) et Albert Brooks, assoiffés d'argent.
La scène de l'ascenseur, véritable tournant dans le film, montre le passage d'une violence périodique à une violence rageuse, schizophrénique. Irene, le personnage de Carey Mulligan, découvre avec terreur la double identité du conducteur. De manière générale, la violence dans le film est assez crue mais cependant esthétisée. Aux morts sont accordées de l'importance,
je pense notamment à celle de Nino, pathétique
, où le personnage impuissant subit la rage silencieuse du conducteur, masqué et plus grandiose que jamais.
Tout cela pour dire que j'ai reçu une véritable claque devant ce thriller nocturne, au rythme parfois lent mais jamais ennuyant. Il m'a poussé à visionner Bronson, du même réalisateur, qui à mes yeux est d'une qualité du même ordre que Drive.
N'hésitez plus, laissez-vous emabarquer.