Drive est définitivement une pièce unique en son genre, une œuvre hybride. Nicolas Winding Refn a su y imposer son style, sa patte, et assume jusqu’au bout ses partis pris. L’image, les plans, la lumière sont d’une beauté à la fois étrange et rare, sublimés par une bonne BO très 80’s, qui se marie très bien avec l’atmosphère très particulière, un peu feutrée, du film. Outre quelques références notables (le cinéma asiatique, le nouvel Hollywood, certains films noirs américains…), le film met en scène des acteurs très bons dans leur rôle. Certains ont trouvé Ryan Gosling mou et désincarné, je l’ai trouvé au contraire simple mais efficace. Son personnage est mutique car c’est un homme d’action. Il n’ouvre la bouche que pour poser les bonnes questions. Quant à l’épisode du cure-dent, qui semble en avoir traumatisé plus d’un, j’y vois la volonté du personnage de Gosling à échanger un peu de lui avec l’enfant d’Irene. Pour moi, il prend un moment la place du père, et comme sa manie est de se balader avec un cure-dent dans la bouche, il propose aux fils d’Irene de faire de même. Enfin, ce n’est qu’une interprétation personnelle, peut-être que Refn n’a jamais voulu dire ça. Quoi qu’il en soit, une phrase un peu « bateau » ne suffit pas à faire s’écrouler un film et dans le cas de Drive, il n’en est absolument pas question. Au contraire, le film constitue un bel et solide édifice. Néanmoins, si la forme m’a particulièrement impressionnée, le « fond » du film m’a quelque peu laissée sur ma faim. Le scénario, qui est très simple, pâtit de certaines incohérences, notamment vers la fin. Le traitement de Refn, même s’il est très beau, peu s’avérer parfois très lent, ce qui confère au film un rythme un peu saccadé et globalement ralenti, même si les scènes de violence induisent un contraste dans le rythme. Plus généralement, ce qui m’a le plus intriguée et le plus déçue, c’est probablement le fait que je n’ai pas du tout saisi ou Refn voulait emmener le spectateur. Que voulait-il dire en montrant cela ? Certes, le scénario ne tombe pas dans la facilité. Mais malgré ça, je me suis demandée une fois le film fini : « pourquoi tout ça pour ça ? ». En effet,
pourquoi après avoir assassiné le dernier mafieux qui se tenait sur son chemin, le personnage de Gosling se tire sans même prendre la peine de reprendre l’argent à la base destiné à Irene ? D’autant plus que, contre toute attente, il semble survivre au coup de couteau dans son ventre (voilà une de ces jolies incohérences). De même, une fois tous les membres du gang disparus, pourquoi ne pas rejoindre Irene avec tout l’argent et partir vivre ailleurs ? (ce qui aurait constitué le plus bel happy ending)… La moindre des choses, selon moi, aurait été de remettre l’argent à Irene, mais bon…
Le film n’en reste pas moins très bon, et très au-dessus de ce qui se fait en ce moment. Néanmoins, si la forme est très aboutie, le fond manque un peu, à mon goût.