"Drive" c'est le genre de film qui reçoit des palmes, des prix, les honneurs de la critique branchée. "Drive", c'est l'anti "Junkman", l'anti-"Grande Casse"i, l'anti-"Bullit", l'anti "Vanishing Point", l'anti-"Fast and Furious". Présenté comme un film d'action avec des bagnoles, c'est un film où il ne se passe pas grand chose et où on voit beaucoup de bagnoles, mais remisées dans un garage. De vieux muscle-cars pour faire connaisseur. Par contre on massacre beaucoup de mannequins en latex. Il y a du gore, dans Drive, du glauque, de l'écoeurant, du naze. Le cascadeur qu'on ne voit pratiquement pas faire le cascadeur, le pilote qu'on voit surtout conduire pépère des Chevrolet pépères, il dégomme des sales types à sale gueule, il en écrase même une, de ces sales gueules, et à coups de pompes siouplaît, dans cette fameuse scène de l'ascenseur qu'on nous a tellement bassinée.
Ce mec peu causant, qui copie un peu, et mal, les mimiques de Steve MacQueen, évolue dans un univers de frappes de bas étages qui squattent une pizzeria saumâtre dans un coin lugubre de L.A. Ce sont des losers, des voyous de seconde zone qu'il a l'air de prétendre survoler de son impassibilité affectée. Le voilà qui tombe amoureux d'une gonzesse au sourire figé maquée à un loubard qui, à peine sorti de taule, va devoir braquer un prêteur sur gages pour rembourser le prix de sa protection derrière les barreaux. Variation sur le thème des ménages surendettés. Le loubard va se faire descendre, le pognon va se faire la malle, le pilote-cascadeur va venger le loubard pour les beaux yeux de la gonzesse au sourire figé. La musique planante, tout au long du film, c'est sans doute pour montrer qu'on veut faire différent, plus intello qu'une classique série B. Exit Lalo Schifrin, on convoque Steve Roach, on filme au ralenti pour accentuer le côté destroy onirique. Je suis parti avant les derniers cadavres, juste après la pauvre Lincoln poussée dans un fossé de trois mètres de profondeur d'où s'extrait péniblement le méchant gangster-pizzaïolo atteint d'acromégalie. On est dans le scénar de "Driver", le jeu vidéo pour collégiens boutonneux, plutôt que dans celui du thriller qu'on a voulu nous vendre.