Gomorra a remporté le Grand Prix au 61e Festival de Cannes.
Gomorra est l'adaptation du roman homonyme de l'écrivain italien Roberto Saviano. Né à Naples en 1979 et titulaire d'une licence de philosophie à l'Université de Naples-Frédéric II, il a été l'élève du grand historien du sud de l'Italie, Francesco Barbagallo. Il fait partie d'un groupe de chercheurs de l'Observatoire sur la Camorra et l'illégalité et collabore avec les journaux L'Espresso et La Repubblica. Gomorra, son premier livre, s'est vendu, en Italie, à plus de 1 200 000 exemplaires et a été un best-seller dans 33 pays. Depuis le 13 octobre 2006, après le succès remporté par son roman et à la suite des déclarations des camorristes collaborant avec la justice, des informations des carabiniers et surtout des menaces, en salle d'audience, de certains caïds du clan des Casalesi au cours du procès "Spartacus", Roberto Saviano vit sous protection policière.
C'est l'organisation criminelle la plus importante d'Europe. Elle est très intégrée dans la population, surtout dans les milieux les plus pauvres. "Le mot "Camorra" n'existe pas, explique l'écrivain Roberto Saviano. C'est un mot de flics utilisé par les magistrats, les journalistes et les scénaristes. Un mot qui fait sourire les affiliés (...) Celui que les membres d'un clan utilisent pour le désigner est Système : "j'appartiens au Système de Secondigliano". Un terme éloquent qui évoque un mécanisme plutôt qu'une structure." Car l'organisation criminelle repose directement sur l'économie, et la dialectique commerciale est l'ossature du clan. La nébuleuse de la Camorra se compose aussi bien de groupes avides, sans projet économique, que d'avant-gardes qui développent leurs affaires à toute vitesse et visent les sommets. Les femmes commencent à y jouer un rôle de plus en plus important du fait des nombreuses arrestations et des assassinats. Les clans gèrent de très nombreuses activités : extorsions de fonds - la Camorra reçoit de l'argent de la plupart des entreprises de la région sous forme d'un impôt appelé le "pizzo" - prostitution, contrôle de multiples activités légales telles que le commerce de fleurs, le commerce de viande, ramassage des ordures, jeux et boîtes de nuit, contrebande en tous genres (objets volés et contrefaçon), trafic de cigarettes, trafic de drogue en provenance du Maghreb, de la Turquie (héroïne, opium) et d'Amérique du Sud (cocaïne), fraude - après le tremblement de terre de 1980, la Camorra a détourné des millions d'euros sous couvert de reconstruction immobilière de la Campanie financée par l'Union Européenne, offres publiques de chantiers, gestion des déchets toxiques - qui a permis d'empoisonner de nombreux terrains agricoles et d'accroître le nombre de cancers.
Lors de la conférence de presse à Cannes, Matteo Garrone s'est exprimé sur ses partis pris formels : "Pour recréer l'impact émotionnel que j'ai ressenti en me rendant dans ces territoires, il m'a semblé que ma réalisation devait être la plus discrète possible. L'histoire suggérait elle-même ce langage très simple ; toute volonté de beaux cadrages, de beaux mouvements de caméra était rejeté assez naturellement par le film. Les reportages de guerre que j'ai vus m'ont influencé aussi. Je voulais donner aux spectateurs la sensation qu'ils se situent au coeur de l'action. Je voulais qu'ils puissent ressentir les odeurs."
Durant le Festival de Cannes, Matteo Garrone a évoqué le tournage du film et les risques encourus par lui-même : "De la part de la population, il y a eu une grande disponibilité, une grande participation. Ils ont sûrement été les premiers spectateurs de ce film. Ils étaient toujours derrière l'écran de contrôle, ils nous donnaient des conseils. Souvent, c'est le cinéma qui forme le goût de ces gens et non le contraire. Même si ce film dénonce une réalité, on a choisi une direction différente du livre : ce n'est pas une enquête. Donc, je ne me sens pas en danger personnellement. Le film et le livre sont complémentaires, ils s'entraident."
Giovanni Venosa ne se contente pas d'être un gangster à l'écran, il l'est également à la ville. Reconnu à la télévision par des détenus de la prison de Naples, il a été arrêté quelques jours après.