De la mafia, on a l'image de gangsters vêtus classe, costard, cravatte, qui cherchent à obtenir le pouvoir par dessus tout en éradiquant sans pitié leurs rivaux. Al Pacino dans "Scarface", Marlon Brando dans "Le Parrain", Ray Liotta dans "Les Affranchis". Hollywood par ces personalités a fait partager l'image du gangster soigneux, toujours propre sur eux. En ce sens, "Gomorra" est une antithèse. Premièrement par une séquence d'ouverture ou des mafieux identiques à ceux que l'on peut voir dans les films noirs de Scorsese, Coppola, etc. Quelques minutes plus tard, ces derniers se font tuer par d'autres mafieux, moins classe, moins badigeonnés mais plus réalistes. Le réalisme est le maître mot du long-métrage de Matteo Garrone. Il se contente de filmer la Camorra, la mafia italienne, comme elle est, sans entrer dans un scénario aux multiples rebondissements et courses poursuites infernales. Le style documentaire peut dérouter au début puis on apprécie cette technique, renforçant l'immersion dans le quotidien lugubre de ces âmes perdues. Le rythme, assez lent, nuis toutefois au film durant sa première heure, ou le quotidien de différentes personnes en lien avec la Camorra est mis en avant, leurs amitiés, leurs buts. Et on s'attache plus ou moins à ces gens, malgré le fait qu'ils s'enfoncent volontairement ou malgré eux dans l'enfer de la mafia. Nous, spectateurs, assistons à ce voyage vers l'enfer, et c'est cette idée de fatalité qui rend les personnages plus attrayants, car on sait que la chute sera dure. Arrive la belle et terrible dernière heure ou le rythme lent auquel on était habitué change pour gagner en vitesse et ou les fatalités s'enchainent sans s'arrêter. Pas de fusillades "blockbusteriennes". Les quelques coups de feux sont à peine filmés et la mise en scène interdit de prendre des plans privilégiant le sang, les balles et la sueur. En parlant de mise en scène justement, même si on peut applaudir le parti pris du réalisateur de filmer la violence (physique, morale et mentale) sans la "subblimer", force est de constater que Garrone n'a pas placé tous ses efforts dans cet élement et cela n'est en aucun cas gênant puisque les relations humaines mafieuses passionnent. "Gomorra" est un film fort, âpre et violent. Jamais un film de mafia n'aura atteint une telle férocité, un tel réalisme. Reste le manque de rythme de la première heure mais c'est pour mieux briser le récit lors de la seconde partie par des règlements de compte vicieux.