Gomorra montre la mafia napolitaine sans artifices, dans sa laideur la plus extrème, dans sa misère la plus profonde, dans son bordel le plus total, loin du glamour des Affranchis ou du Parrain. Contraste d'ailleurs marqué par les deux jeunes mafieux imitant Tony Montana, icône fascinante et fantasmatique renvoyant directement à leur propore réalité existentielle. Ils sont loin de vivre dans le luxe, telle en témoigne l'esthétique de la cité.
La narration complètement éclatée relate le parcours de cinq personnages et illustre parfaitement l'organisation et le pouvoir de la Camorra à Naples (et au delà de Naples), où règne le chaos, la peur, la confusion dans un réseau si dense qu'on ne sait plus qui a le contrôle, qui est dans quel camp, à qui faire confiance, où vont les biens. C'est l'enfer au quotidien, un mode de vie encré dans cette cité dont on ne peut échapper, entre blanchissement d'argent, trafic de drogue, trafic d'armes, violence, déversement des déchets toxiques, ateliers de textiles clandestins dont les productions servent à la haute coûture.
Le film est doté d'une atmosphère très lourde, résultant du choix de Garrone à tendre vers un naturalisme exacerbé. La mise en scène froide, alternant caméra à l'épaule et cadres plongés permet une totale immersion au sein de cette organisation et est aussi une autre manière de faire du cinéma, d'apporter du nouveau sur un thème déjà mainte fois abordé.
On est cependant très vite perdu face à ce refus de narration qui passe d'un personnage à l'autre, d'une situation à une autre sans soucis de continuité. On peine à comprendre ce qui se passe, et dans quel contexte ça se passe, quels sont les liens entre les différents protagonistes etc.
A l'image de la Camorra, c'est tout simplement le désordre absolu.
C'est loin d'être divertissant, c'est même parfois fastidieux mais ça reste intéressant.