Formidable adaptation de l'écrit de Roberto Saviano, Gomorra est le coup de poing de l'année. Grand Prix à Cannes, sa récompense l'est, et c'est souvent discutable de le dire, belle et bien méritée cette fois-ci. Avant toute chose, rappelons que le film a été tourné dans sa quasi-totalité au sein même de ce qu'il dénonce, c'est-à-dire de la Camorra. Ce choix, cette ambition, ce risque est l'essence même de ce que l'on admire. Premièrement, Gomorra adopte une réalisation brutale, aux ressemblances documentaires tellement frappantes que l'on en oublie même que cela reste du cinéma. Bluffés, Matteo Garrone nous emporte dans une spirale au coeur de la mafia napolitaine. Incroyablement analysée, la dénonciation passe par toutes les ficelles possibles de cette organisation. Son utilisation symbolique, magistralement utilisée par le réalisateur, nous témoigne de l'ancestralité d'une structure qui fonctionne tel un micro-État. Et bien que tout n'est jamais explicité, bien au contraire, l'ensemble est suffisamment compréhensible pour ne jamais perdre son spectateur. Tout d'abord, et c'est l'un des points les plus forts de ce chef d'oeuvre, le vie au quotidien dans cette industrie de l'illégalité. Loin de tous ces polars présomptueux se vantant d'analyser ce que réalité n'est pas, Gomorra ne fait pas de sentiment. Il filme la vie de cette population exclue avec réalisme, caméra à l'épaule s'il le faut, comme la scène désormais culte de ces deux adolescents tirant avec des armes dans un marécage neutre, presque blanc, à l'image d'une guere de clans incessante. En outre, Gomorra attaque fort. La clandestinité y est évoquée avec courage et intensité, à remettre obligatoirement dans notre contexte actuel, même français. La contrebande, le trafic de déchets et de drogues y est également énoncé, suggérés maintes fois pour un effet choc, déstabilisant, alerte et terrifiant. Chef d'oeuvre de cette année avec There Will Be Blood, Gomorra est le film étrangé de l'année. Magistral.