N'en déplaise aux chantres du "renouveau" coréen, The Chaser n'est pas le "chef d'œuvre" qu'on annonce, loin s'en faut. Ca démarrait pourtant bien, un ancien flic reconverti dans le proxénétisme, une prostituée disparue, une ambiance glauque à souhait et, ne boudons pas notre plaisir, une photographie de qualité : tous les ingrédients étaient réunis pour produire un polar de bonne facture. Seulement voila, à trop vouloir se départir des caricatures du genre tant décriées, Na Hong-jin n'a su proposer qu'une superposition d'effets de style dépareillés. Passé les trente premières minutes, on assiste, ahuris, à un enchaînement de scènes sans unité et de dialogues de sourds. Ajoutez à ça un humour imbuvable et décalé, vous obtenez un ensemble illisible. L'intrigue, pourtant accrocheuse au départ, est très vite parasitée par une succession d'invraisemblances scenaristiques qui n'ont pour seul effet que de perdre le spectateur. Tellement sûr de son coup, le réalisateur n'a même pas pris la peine d'expliquer la relation entre le proxénète et ses filles, ni même la raison d'une reconversion professionnelle plutôt inédite, alors même que résidaient là les éléments les plus puissants - et peut être les plus intéressants - de l'œuvre.
Mais pourquoi donc ce film a t-il fait tant de bruit ? À quoi doit-on la floraison de critiques toutes plus élogieuses les unes que les autres ? Peut-être en raison d'une idéologie pseudo-intellectuelle qui invite à voir dans toute production étrangère (exception faite des productions U.S évidemment) un certain génie, quand bien même celui-ci nous apparaît incompréhensible. Tolérance oblige. Peut-être aussi parce qu'il est particulièrement confortable, pour beaucoup, de faire partie d'une majorité probablement elle-même influencée par les critiques savantes de la presse. Quoiqu'il en soit, The Chaser nous fournit un parfait exemple d'une réussite qui est, avant toute chose, une construction sociale.