Après nous avoir gratifié de "The Arrival", "Pitch Black", "Abîmes" et "Les Chroniques de Riddick", David Twohy laisse enfin de côté la science-fiction et le fantastique pour réaliser un bon vieux thriller comme le setptième art nous en a déjà proposé. Mais rassurez-vous : Twohy ne se contente pas de réaliser une bobine banale, non bien au contraire, vous allez rentrer dans une folle image d’Epinal, un trompe-l’œil vertigineux qui reste sans conteste l’une des meilleures surprises dans le genre depuis les cinq dernières années. Nous suivons un couple de jeunes mariés en lune de miel à Hawaï qui vont rencontrer deux autres couples lors de leur périple idyllique. Mais lorsqu’ils croisent des touristes leur révélant qu’un meurtre a été commis un jour plus tôt par deux personnes, tout le monde commence à douter des autres et la paranoïa s’installe.
Sur une base scénaristique simple, Twohy nous invite à visiter l’archipel d’Hawaï en nous livrant de magnifiques paysages présentés en plans larges : criques, eau bleue, forêts vertes et denses, tant de beautés naturelles dignes des plus belles cartes postales ou reportages du National Geographic. On oublie qu’on est au cinéma et on voyage, on rêve…Mais ses splendides images ne parasitent nullement le plus important du film : l’histoire. Doté d’une intrigue haletante, même si cette dernière prend son temps pour s’installer (mais ne soyez pas dupes : rien n’est inutile. Dialogues et images sont des clés pour la compréhension de la fin !!), "Escapade Fatale" nous propose un suspense montant crescendo et une certaine tension palpable. On doute de tout le monde, on ne sait plus quoi penser, qu’est-ce qui est vrai ou non ? Twohy parvient, tel un marionnettiste malicieux, à nous manipuler avec une grande ingéniosité (notamment un premier retournement de situation qui nous amène à relâcher la tension…pour nous cueillir au vif quelques minutes plus tard avec une révélation de dingue !) et c’est assez rare de nos jours de voir une telle cohésion entre dialogues, images et scénario. Et lorsqu’on arrive au twist final d’une force et d’une cohérence (le tout expliqué par un habile flashback en noir et blanc pour ceux qui serait toujours un peu « perdus »... flashback qui aurait pu être moins long tout de même : la scène de la « bijouterie » avec Nick et Gina est inutile je trouve), on est comblé d’une telle maîtrise !! A partir de ce moment où la vérité éclate, le film s’emballe et devient un survival viscéral où l’action est présente à 200% !! Si le film tient aussi bien la route, c’est aussi grâce à la prestation des acteurs : entre un Steve Zahn en petit scénariste d’Hollywood peureux toujours sur le qui-vive et un Timothy Olyphant génial dans son rôle de « Jedi américain » (le coup de la plaque : énorme !!) aux anecdotes farfelues, même Chris Hemsworth alors qu’on le voit peu à l’écran arrive à nous inspirer une certaine crainte envers son personnage. Mais la véritable surprise vient de Milla Jovovich : ENFIN cette femme nous livre une bonne prestation depuis "Jeanne d’Arc" et j’ai envie de dire « Pas trop tôt !! » (le film de Besson date de 1999, soit il y a 10 ans !!) au vu des ses lamentables dernières « performances » ("Zoolander", "Ultraviolet", les trois "Resident Evil" et "Phénomènes Paranormaux"). La seule scène où elle raconte son « passé » à Gina sous la tente peut en témoigner : Milla est criante de vérité !
Maintenant j’aimerais revenir sur une chose qui m’a choqué : avant d’écrire cette critique, j’ai regardé celles qui étaient déjà présentes sur le site et j’en suis tombé par terre de voir le nombre d’avis négatif qui mettaient en avant le même argument : « twist final incohérent vis-à-vis de l’attitude des personnages ». Non mais sans blague, vous déconnez ? Incohérent ? Vous avez regardé le film ou comme tous ces idiots au cinéma vous parliez avec votre voisin pendant la projection ? Ce film est parfait dans sa structure…il y a même un flashback de 15 minutes qui explique tout : comment ne peut-on pas comprendre !! Non, ce n’est pas que les gens ne comprennent pas qui m’énerve car le réalisateur a tout fait pour semer le trouble dans nos esprits, non ce qui m’énerve au plus haut point c’est les attaques sur la cohérence du twist vis-à-vis du comportement des personnages. Les gens interprètent à leur sauce sans vraiment regarder ni écouter. Alors je vais vous recommander une chose...regarder le film une seconde fois : en sachant la fin, des choses vont vous sauter aux yeux. Sinon bin je vais être sympa et vous proposer une séance de rattrapage gratos. Attention, à moins d’avoir vu le film une fois, ne lisez pas ce qui va suivre…
Tout d’abord la scène d’intro : le mariage. On ne voit jamais clairement le visage des deux mariés afin de préserver l’identité du couple dont on va suivre le périple : donc à aucun moment on peut affirmer que le mariage que l’on voit est celui de Steve Zahn (Cliff) et Milla Jovovich (Sydney). Ceci est confirmé dans la séquence suivante où justement Cliff et Sydney se filme dans la jeep : ils répètent leur rôle pour qu’ils ne soient pas découverts. D’où la phrase de Sydney « Je vais forcément me tromper… » à laquelle Steve répond « Question d’entraînement » : ils sont déjà en mode subterfuge. Juste après, lorsqu’il s’arrêtent pour prendre en stop Kale et Cleo, lorsque Sydney dit « Je pense qu’on a bien géré la situation » ce n’est pas parce que nos jeunes mariés ont eu peur de prendre en stop des possibles tarés, mais plutôt qu’elle est soulagé de les avoir laissé derrière car si ils avaient été des « problèmes », ils auraient du se débarrasser d’eux et cela aurait pu mettre les autorités sur leur piste alors que pour le moment personne ne sait qu’ils sont sur cette île. Ensuite, lorsqu’ils sont avec Gina et Nick et qu’ils rencontrent les trois filles qui leur annoncent qu’un meurtre a été commis, s’ils sont si étonnés c’est juste parce qu’ils sont dans leur rôles : toujours en mode subterfuge. A la cascade, quand Cliff cherche des infos sur Google ce n’est pas pour vérifier si leurs compagnons de voyage seraient les meurtriers : non, il tente de vérifier si les autorités ont quelque chose sur eux et leur localisation actuelle. La chose se continue d’ailleurs au pont de singe lorsqu’il montre à Sydney que les flics ont récupéré une vidéo d’une caméra qu’ils n’avaient pas remarquée : Sydney ne dit pas « ça peut être n’importe qui ! » pour défendre Nick et Gina mais pour ce couvrir eux, qu’il n’y a pas à s’inquiéter. Cliff lui répond alors « Tu peux affirmer ça ? Ils n’ont pas l’air familier, regardes bien ! » : ce n’est pas pour affirmer qu’ils s’agit bien de Nick et Gina mais pour faire comprendre à Sydney qu’on peut les reconnaître sur cette foutue vidéo. Bien entendu, dans la milliseconde qui suit, on a un plan sur Nick et Gina : encore une excellente diversion qui vous pousse à croire que c’est bien eux les tueurs. Cliff rajoute alors « On sait quoi sur eux ? » pas pour encore rajouter des soupçons sur l’autre couple, mais parce qu’il commence à s’inquiéter de ce que les autres pourraient découvrir, d’autant plus que Nick à l’air d’être un ex-militaire, donc un homme très dangereux. Passons ensuite à la séquence sous la pluie où Nick fait son speech sur « que fais-tu quand tu montes dans un avion » et qu’il révèle qu’il a survécu à un crash tout en montant un arc de chasse : on peut croire que cette scène est là pour nous convaincre que ce type est extrêmement dangereux, voire cinglé ; alors qu’elle ne sert en réalité qu’à inquiéter Cliff de plus en plus au cas où il devrait se mesurer à Nick. Ce qui est renforcé juste après avec la scène de la chèvre : Cliff dit à Sydney « Ces deux là viennent d’accéder officiellement à la classe des cinglés » car à partir de ce moment là, il a carrément peur d’eux. En cas de confrontation, ils se pourraient que Nick et Gina aient l’avantage sur eux…Cliff craint plus que tout l’adage de l’arroseur arrosé. Voilà je vais m’arrêter là car ça va être trop long. Mais maintenant que vous avez lu ça, regarder "Escapade Fatale" une nouvelle fois et vous verrez que c’est évident et qu’à aucun moment, il n’y a incohérence. Juste un scénario brillamment orchestré à l’image, vous avez juste été bernés par de très bons menteurs : Cliff et Sydney sont comme ces nombreux arnaqueurs qui ont embobiné plusieurs personnes par leurs belles paroles et leur façon d’être. On en revient toujours à la même chose en cinéma : ce n’est pas parce que vous n’avez pas compris le film qu’il est forcément nul. Fin de la (grande) parenthèse.
Pour son premier « détour » vis-à-vis de son genre de prédilection, David Twohy nous livre un thriller fulgurant à la construction remarquable (je n’avais pas ressenti ça depuis "Usual Suspects" pour être franc) et assez machiavélique pour le spectateur. On en redemande encore. A quand le prochain ?