Le cinéma de Pialat continue de m'impressionner, c'est quelque chose de rare et de touchant que de voir des personnages évoluer sous la caméra de Pialat. Il arrive à capter l'âme humaine, mais pas comme le ferait Bresson par exemple, où ça serait plus dans une beauté universelle, malgré tout très austère, Pialat, c'est plus âpre, rugueux, blessant. Alors si "passe ton bac d'abord" n'est pas le film le plus méchant de son auteur, et de loin pas, on est loin d'un film gentil, certes ici pas de coups tragiques du destin qui vont briser les personnages comme dans La maison des bois, on est plus dans l'enfance nue, où la jeunesse semble incomprise par le monde adulte, a des attitudes qu'on n'explique pas, elle est jeune quoi.
Là où je pense que Pialat livrait des films universels sur l'enfance (entre autres) avec l'enfance nue et la maison des bois, il fait quelque chose d'universel sur l'adolescence ici, sur ce passage à l'âge adulte, au moment où on se dit il faut faire quelque chose de sa vie, et les personnages dans toute leur bêtise propre à cet âge trop souvent qualifié de bête, arrivent à sortir naturellement, sans que ça choque, des vrais pensées sur la vie, ils ne veulent pas du métro boulot dodo, ils veulent vivre, et je les comprends.
La scène finale est particulièrement émouvante à ce point de vue, lorsqu'on demande à une jeune fille à quoi elle rêve, elle répond : à rien. Il y a deux sens à cette phrase, un premier degré évident, à ce moment elle pense à rien, mais un second degré beaucoup plus triste, elle a perdu ses rêves, son enfance s'est envolée.
Ces personnages ne sont pas spécialement beaux, intelligents, mais ils dégagent quelque chose, quelque chose dont j'ai l'impression que seuls des gens comme Pialat ont parvenu à saisir, capturer ainsi quelque chose de vrai pour le retranscrire sur pellicule, c'est tellement beau.
Ici pas de grands enjeux métaphysiques, juste la vie, l'adolescence, l'âge adulte, ce futur qui fait peur, très peur même, on veut le fuir.
La seule chose qui a changé aujourd'hui, c'est peut-être l'âge du mariage, sinon depuis 1978, à part le look qui change, heureusement on n'a plus le petit duvet sous le nez pour les garçons, c'est pareil, ce même manque de motivation pour des générations perdues, sans véritables repères, se laissant aller aux plaisirs simples, drogues, sexe… Sans que tout ceci ne soit diabolisé par Pialat, non c'est juste que, c'est comme ça…
Voir un film tellement vrai, semblant improvisé tant les réactions sont criantes de vérités, ça me parle. Je pense à la scène juste après un mariage avec une mère qui craque, on a pas tant de vérité ailleurs que chez Pialat pour ce genre de scènes, ça dégage vraiment quelque chose, on est pas dans le chiqué, dans le toc, c'est ce qui manque à 99% de la production actuelle, cette vérité là, cette sincérité là, sincérité que le cinéma de Pialat possède, et sans doute plus que nul autre au monde.
Qu'est ce qui est plus vrai que de voir ces deux jeunes en cours de sport s'échanger des regards ? Rien, tout simplement rien…
C'est aussi ça l'adolescence, les premiers échanges amoureux, savoir quelle fille couche, quelle fille ne couche pas, ce désir sexuel, cette envie de découvertes.
Alors ce n'est pas le meilleur Pialat, mais malgré cela c'est un film qui dégage énormément de choses, qui n'a pas un regard accusateur sur cette jeunesse qu'il film, et qui est magnifique, à partir de là, on peut parler de grand film, malgré qu'il ne paye pas de mine au départ.