Maurice Pialat introduit dès l'introduction une séquence digne de ses plus grandes esquisses. Ce plan de table provenant de la salle de classe du Lycée de Lens au son du cour de philo qui si donne dans un enchainement de dessin, de gravure, d'idée propre de ce cinéaste peintre à ses heures donne le vertige et transmet toute sa large palette d'émotion allant d'un sourire furtif à une détresse incommensurable, le tout, sans prêche, ni état d'âme proscrit par la morale ...
Le lieu est depuis toujours un ancrage dans l'histoire édicté de Pialat. Ici s'enchaine, une salle de classe donc, puis un gymnase, le bistrot, un stade, puis plus loin les habitations, la salle de bal, la mer avant de revenir à ses prémices. La boucle est recherché pour bien encore délimité le périmètre et réduire le champ des possibles. D'ailleurs, Paris qui ici représente la fuite n'est en fin de compte jamais montré, on nous dit que deux mois s'y sont passé, voilà les seules infos que nous aurons ... Le quotidien est clairement ciblé dans la représentation de ses communes ou l'on répète trop vite les choix de nos ainés, car au fond " C'est comme ça ! ". Les initiatives sont des rêves que l'on relègue pour mieux entrevoir l'indicible, le constat de la raison, de rationalité. Patrick, lucide, prononce ce qui frappe éperdument, " C'est la Vie. Non, ce n'est pas ça la vie ! ".
Maurice Pialat est habitué de ses scènes, du genre à vous en retourner les tripes, qui vous brise tant le désespoir est confondu, rebattu, combattu avant résignation. La dureté de la condition est sans équivoque, d'autres dialogues viennent encore en attesté. " A quoi tu rêve ma fille ? ". Réponse : " A rien ! ". Un crève cœur, pour moi toujours.
L'équipe de comédien.es est au diapason de l'enjeu qui nous est dévoilé à mesure. On ressent leurs émotions, sans surprises, sans lapin dans le chapeau, la compassion s'impose et ceux sans pitié mais belle et bien avec empathie.
Passe ton Bac d'abord est une ode à une jeunesse perdu, ou plutôt qui s'égare car ne connaissant que trop bien la route qui les retiens. Encore un film d'une profondeur inouïe d'un cinéaste virtuose.