Des Jean-Pierre Jeunet, il n'en existe pas deux. Unique dans son style, son esthétique et sa vision presque surnaturelle du cinéma français, ce génie du septième art n'a pas son pareil lorsqu'il s'en va nous compter ses folles histoires, empreintes de nostalgie et d'un bonheur brut et communicatif. Là encore, Jeunet fait des merveilles, prenant son temps pour accoucher d'oeuvres toutes plus originales les unes que les autres ("La cité des enfants perdus" en passant par "Amélie Poulain"), bouleversantes. Habillement remanié et repensé pour confier le premier rôle à Dany Boon (rôle étant à l'origine destiné a Djamel), cette histoire cinglée et cynique prend d'emblée aux tripes. C'est dans les beaux quartiers du vieux Paris (que Jeunet affectionne particulièrement) que se déroule cette histoire d'amitié, d'entraide, de vengeance aussi. Dany Boon est Bazil, un type qui qui s'est pris une balle en pleine tête alors qu'il demandait rien à personne, et qui va devoir vivre avec ce plombage en plein crâne. Un peu simplet et prêt à disjoncter à tout instant, il va enquêter sur l'origine de la balle et, recueilli par une bande de chiffonniers pittoresques, va concocter une double vengeance (vis à vis de la balle s'étant logée dans sa caboche et de la mine ayant tué son père, au Maroc). Commence alors une histoire délirante, aux personnages drôlement attachants, aux situations explosives et inattendues. Poétiques et fouillés, le visuel un peu délavé et retro du film émeut, témoignant d'une technique parfaitement maitrisée et très poussé (sans jamais être poussive). Grain d'image, couleurs chaudes, plans acrobatiques, musique farfelue, montage truculent, Jean-Pierre Jeunet maîtrise parfaitement le monde de cocasses brocanteurs qu'il a crée de toutes pièces. Il parvient même à y glisser un malin clin d’œil à "Delicatessen"et son envoutante Scie à musique. Satire sociale et critique virulente du commerce d'armes, cette comédie s’adresse aux âmes sensibles, mélancoliques et atypiques. Les interprétations sont superbes, et l'on retrouve certaines têtes cultes et fétiches du cinéma de Jeunet. Dany Boon s'en tire avec les honneurs, piquant à Bourvil ses meilleures mimiques de bêta déterminé, tandis que le magnifique et hyperactif Dominique Pinon lorgne plutôt du côté de Louis de Funès. Le reste de la joyeuse et unie bande de marginaux brocanteurs est exquisement incarnée par Jean-Pierre Marielle,Omar Sy,Yolande Moreau etc ... Enfin, André Dussollier et Nicolas Marié s'avèrent hilarants dans la peau de patrons fourbes, maniaques et égocentriques de grandes compagnies d'armes. Les dialogues sont eux aussi délicieux, un véritable travail d'orfèvre qui ravira les passionnés de répliques cultes!
Tel l'homme sans nom déclenchant la tuerie mutuelle de deux groupes adverses dans le très bon "Pour une poignée de Dollars", Bazil et son groupe de gais lurons effectuent une brillante et désopilante vengeance, dans une symbiose exemplaire et extrêmement touchante. Si l'union fait la force, alors Jeunet fera votre bonheur. 18/20