La comparaison peut paraître incongrue, au premier abord, mais je vais la faire quand même : pour moi Jean-Pierre Jeunet ressemble à Quentin Dupieux. Un réalisateur français original, pourvu d'une empreinte visuelle et d'un univers qui s'impose comme une signature, et tout ça, dans un premier temps, mis au service de vraies idées qui dessinent un regard neuf sur le Monde et le cinéma. Puis vient le temps où tout s'effondre, où l'on se rend compte avec désenchantement que l'approche particulière du cinéaste ne suffit plus à tenir la longueur, qu'elle ne s'adapte pas si bien à des projets éclectiques qu'on le pensait au départ, qu'elle commence à ressembler à une succession de tics et d'auto-citations qui ne véhiculent plus rien. C'est typiquement ce que Micmacs à tire-larigot vient signifier, un peu comme l'ont fait Wrong et Wrong Cops pour Dupieux, et comme le laissait craindre Un long Dimanche de fiançailles pour Jeunet. Alors comme pour les derniers films de Mr. Oizo, on peut certes continuer à apprécier ce quatrième film de Jeunet en solo, mais sans doute uniquement en tant qu'objet inerte, énième succession d'images glacées qui cherchent toujours à faire opérer un certain charme désuet mais m'a donné une toute autre impression. Une sensation un peu malsaine, comme si Jeunet finissait à ressembler, de par sa constante volonté de se couper des réalités et de remettre en place dans les moindres détails son imaginaire fermé à double tour, à un taxidermiste zélé qui empaillerait ses propres chats pour pouvoir les garder à ses côtés. C'est vraiment l'impression que je garde de Micmacs, celle d'un univers complètement figé, qui refuse d'évoluer, loin de tout rapport au réel qui pourrait le rendre vivant. Tout ça sonne désespérément creux, ne suscite plus aucune magie, ne se sublime en rien notre vision des choses puisqu'elle n'a aucune prise dessus. Certains se disent satisfaits de la gentille vengeance qu'essayent d'opérer au nom du spectateur les personnages sur deux marchands de mort sans scrupules. Mais espérer que l'effet catharsis prenne suppose, en plus d'un minimum de subtilité, un minimum d'implication du spectateur, ce que sont incapables de provoquer chez moi ces personnages-marionnettes jamais travaillés plus loin que le simple stade d'ébauches, grotesques caricatures de ce que devraient être des protagonistes dignes de ce nom. Fait symbolique, ce qui m'a inspiré la comparaison avec Dupieux, c'est la présence de Dany Boon, acteur populaire (populiste ?) un peu à la Eric et Ramzy, et qui a priori semblait venir s'intégrer à un projet artistique. Mais ici, contrairement au duo de Steak, dont le talent trouvait enfin chaussure à son pied, Boon a à peine retenu mon attention. Au final, rarement j'aurais vu quelque chose d'aussi vain. C'est dommage, je l'aimais bien, Jeunet.