Le cinéma de Michael Bay est proprement incroyable : toujours fidèle à lui-même, il suit, depuis son premier film, des gimmicks, devenus plus tard clichés, installés par le Bad Boys d'origine. L'un des films les plus courts de sa carrière, il inaugurait surtout un second essai fantastique avec Rock, qui laissait déjà présager de futurs films d'action très, très longs. Entre Armageddon et Pearl Harbor, on frôlait petit à petit les 3 heures, pour tomber sur des suites et de nouveaux films oscillant entre 2h15 et 2h45.
Parmi tous ces divertissements parfaitement bourrins, Transformers s'est glissé à une place de choix : film de la consécration grand public, il représenterait presque un excès tel de la carrière de Bay qu'on pourrait le considérer comme une parodie de ses films précédents. Vision profondément sexiste, matérialiste, propagandiste, explosive du cinéma de divertissement américain, cette histoire idiote de robots se fracassant au milieu de civils jamais touchés par les gentils avait un petit quelque chose de fascinant, une étincelle de sincérité dans sa bêtise suffisamment unique pour la rendre agréable, intéressante.
L'expérience finalement surprenante devait amener à une suite, et si l'on pouvait appréhender son aspect purement mercantile (que le premier rattrapait par ses qualités nanardesques), le résultat paraît difficilement supportable si on le prend seulement au sérieux. Toujours aussi débile, le scénario s'efface rapidement derrière le bordel visuel de Michael Bay, qui n'aura jamais autant filmé de destruction mondiale à échelle d'homme.
On a atteint ici un point de non retour pour celui qui sera attentif à la fine patte d'un réalisateur : Michael, lui, décide d'envoyer valdinguer ses rares plans esthétiques pour plonger, tête la première, dans un immense conglomérat de lieux communs éventés depuis la sortie de son second film. C'est qu'on lui reproche ses trop nombreuses explosions à tord; ce qui pullule dans les films de Michael Bay, ce sont, purement et simplement, les plans héroïques sur l'armée américaine en préparation de combats, le tout sur fond de soleil couchant.
L'Amérique, il sait la résumer en une image, et n'omet ni ses points forts ni ses faiblesses; pire, il semble vouloir s'auto-persuader que c'est la plus grande nation du monde, reprenant encore et toujours les mêmes stéréotypes vaseux sur les pays extérieurs (l'Egypte et la France en prennent pour leur grade, quand on imagine facilement le public américain s'esclaffer, ou se répugner, de ces franchouillards assez dégueulasses pour ingurgiter des escargots tout baveux).
De la sincérité nanardesque du premier survivent quelques moments de pur plaisir, certes épileptiques mais suffisamment spectaculaires et déjantés pour donner généreusement au public quémandeur. Explosions à tout va, mitraillages en règles et gros bétas qui se matraquent la gueule à coup de tatanes de l'espace seront les mots d'ordre de cette cacophonie visuellement très laide, mais subjectivement adorable.
Parce qu'il y a quelque chose de profondément jouissif dans le spectacle abrutissant de cette Revanche à la conclusion de pétard-mouillé : entre la représentation prétendument idyllique d'une Amérique urbaine superficielle et le retour de théories du complot encore plus absurdes que celles du premier (c'est une constante dans le cinéma de Michael Bay), on se retrouve avec un genre de produit conformiste qui se veut, pourtant, proche des idées underground des anti-pouvoirs paranoïaques.
La Revanche, le cul entre deux chaises, est donc un film paradoxal pourtant très primaire, en atteste de nombreux moments de gêne humoristique (la mère mangeant des space cakes et les dix minutes de blagues qui s'en suivent) et sa propagande aussi répétitive que béate. Il ne parvient même pas à bien gérer ses personnages tandis qu'il nous balance une flopée de nouveaux transformers dont on retient seulement la laideur visuelle (les effets spéciaux sont illisibles, et font étrangement baisser le niveau correct du premier film), sûrement pas leurs noms.
On s'en rendra surtout compte avec le personnage de The Fallen, qu'on nous vend pendant plus de deux heures quinze pour s'en débarrasser en cinq minutes d'un combat bâclé, Optimus devenu imbattable et supprimant, de fait, toute notion de tension. A cela s'ajoute la réalisation toujours plus clipesque de Bay (on croirait parfois voir l'autre catastrophe de World Invasion Battle Los Angeles), qui se perd dans de multiples citations d'oeuvres populaires (Terminator, Indiana Jones,...), comme pour raccrocher l'attention bienveillante d'un public qui ne suit plus (du regard critique, du moins).
Désireux de trop en faire à partir du cinéma trop stéréotypé de Michael Bay, Transformers 2 : La Revanche s'enferme dans une multitude d'éléments stupides destructeurs : si l'on passe outre son écriture et le jeu de Megan Fox (elle n'est pas engagée pour son talent, c'est une évidence), le véritable problème de The Fallen se résume au travail de forme, apogée de tous les effets clichés répugnants des années 2000. C'est idiot, parfois plutôt drôle (Turturro est efficace et a, bien heureusement, calmé son surjeu), divertissant mais tirant trop sur la longueur.
A vouloir trop en faire, on se perd dans une auto-parodie involontaire.