"The Tree of Life" a tout d'une expérience unique. Dans la continuité de la filmographie de Terrence Malick, il poursuit les réflexions du cinéaste mais s'engage dans un style plus virevoltant, avec des images d'une beauté inégalable. Emmanuel Lubezki, qui opérait dans "Le Nouveau Monde", accomplit une fois encore un travail remarquable.
L'histoire, on le sent, est très autobiographique, mais elle ne prend pas vraiment la forme d'un récit conventionnel. Il y a des allers-retours constants entre différentes époques, avec notamment ce qui est sans doute l'un des flashbacks les plus vertigineux de l'histoire du cinéma, puisqu'il narre la Création de l'univers de A à Z, la dernière lettre correspondant à la naissance de Jack, personnage principal de film. Malick utilise pour ce faire certaines des plus belles images jamais vues sur un écran, faisant de "The Tree of Life" son film le plus cosmique et le plus ambitieux – mais existe-t-il un film plus ambitieux que celui-ci ? On le voit, ce sont les questionnements de nombreux personnages de sa filmographie qui trouvent ici des réponses, par la seule puissance d'images astronomiques suggérant la Création.
Les voix off sont de plus en plus présentes et ne s'adressent non plus à l'être aimé ("Le Nouveau Monde"), au spectateur-témoin ("La Balade sauvage" et "Les Moissons du Ciel") ou au personnage émetteur lui-même ("La Ligne rouge"), mais à des entités supérieures qui surplombent la vie de Jack : Dieu, mais aussi le père et la mère, se transformant par la grâce du temps passé et du souvenir en figures divines. Malick explicite d'ailleurs cette allégorie dès l'introduction (par ailleurs belle à pleurer), puisqu'il indique clairement que le père représente la Nature et la mère la Grâce. L'image de ces deux forces luttant l'une contre l'autre est d'une grande intelligence et justifie pleinement l'emploi du steadicam. Plus que jamais auparavant, les mouvements de caméra sont en effet amples et panoramiques, donnant l'impression de se laisser porter par les vagues. C'est donc l'amour de la vie que cherche à transmettre le réalisateur, jusqu'à faire des déplacements des personnages des danses joyeuses ou mélancoliques, accompagnés de grands morceaux de musique classique.
Malick a sans ambiguïté cherché à réalisé un film-somme, ancré dans son Texas natal et résumant tous ses questionnements, et la forme de ce chef-d’œuvre, constitué de sortes de flashs mentaux, est tout à fait logique dans le sens où les raccords sont avant tout le fruit de souvenirs d'enfance épars et d'associations émotionnelles – c'est par exemple pendant le deuil que la mère de Jack a besoin de puiser de l'aide de la part de Dieu et donc que la suite cosmogonique intervient. Dans ses quatre précédents longs-métrages, Malick prenait soin d'aménager des séquences lyriques permettant une évasion dans le récit ; ici, c'est le film entier qui constitue cette envolée vers l'Absolu. "The Tree of Life" est une symphonie céleste.