Terrence Malick m'a souvent agacé par son désintérêt pour le récit et un ésotérisme mystique en revanche souvent sauvé par une réalisation au minimum maîtrisée, fréquemment magnifique et par éclairs virtuose. The Tree of Life se proposait en quelque sorte de porter à la puissance dix les intentions de son réalisateur, tentant de verser dans le cinéma pur, de se libérer des contraintes narratives classiques pour finalement ne mettre en image que les obsessions du cinéaste américain. Et finalement, cette intensification jusqu'au-boutiste de ce qui m'irritait, au lieu de me dégoûter pour de bon, m'intriguait. Après tout, si Malick échoue à chaque fois ou presque, en gâchant sa narration par refus de se débarrasser de ses dérives métaphysiques, pourquoi tout simplement ne pas se concentrer sur celles-ci et purifier une oeuvre qui se transformerait du même coup en l'essence du cinéma Malickien. C'est plus ou moins ce que se permet le réalisateur de La Ligne Rouge, abolissant les contraintes usuelles, notamment en sabotant un récit réduit au plus simple appareil ou en s'autorisant des dérives naturalistes qu'on ne retrouve nul part ailleurs. Le produit final est paroxystique, beau et pour le moins marquant. Ce qui s'explique en premier lieu par une caméra d'un placement juste, très juste, qui enfin se révèle à moi comme celle du grand cinéaste que je ne voyais quelquefois que par intermittence jusque là. Les images de Malick amènent métaphore sur métaphore, rendant Tree of Life élitiste comme jamais. Au final, découle de cette puissance symbolique une jolie oeuvre sur la vie et le forgeage de l'âme humaine. Problème, et non des moindres, Malick repart du pied habituel, le gauche apparemment, et cuisine à nouveau une tambouille fumante quant au rôle de Dieu. S'il est un grand cinéaste et sait amener des idées, il est bien plus médiocre philosophe et éprouve toutes les peines du Monde à les distiller, les mettre en place et les agencer. Il les sert sans retenue, pas toujours avec finesse. Il faut s'accrocher pour tout saisir, bien interpréter (son film est comme souvent si complexe qu'il peut sans mal conduire à des interprétations biaisées ou même presque contraires), et voilà qui n'est pas la marque d'un cinéma bien dosé. D'autant que dans le fond, son message est d'une mièvrerie religieuse quelque fois assez aberrante. En revanche comme je l'ai dit, visuellement et au niveau technique, on effleure la grâce divine que Malick essaye désespérément de nous dévoiler depuis maintenant cinq long-métrages. Au passage, félicitations à Jessica Chastain, très sensible, et regrets peinés à Sean Penn, totalement sous-utilisé (un autre des défauts de l'indécrottable Malick, le gâchis impardonnable de castings souvent affriolants). Enrevanche, Brad Pitt est d'une justesse absolue (avec Moneyball, l'année 2011 nous aura dévoilé un Brad très inspiré). D'ailleurs j'ai du mal à me l'expliquer (peut-être est-ce parce que l'acteur avait déjà livré une prestation monstre sous une caméra contemplative, celle d'Andrew Dominik dans Jesse James), mais Brad Pitt chez Malick, ça m'apparaissait vraiment comme une évidence. Au final, The Tree of Life est au moins une très belle histoire de vie, décrivant à merveille la longue route qu'elle est et son mouvement incessant. Mais si Malick connaît bien les hommes et les filme avec talent, je n'adhère toujours pas aux délires qui le prennent dès lors qu'il tente d'explorer un niveau de conscience ou de spiritualité supérieur. Décidément voilà un réalisateur qui ne veut toujours pas m'autoriser le plaisir de lui adresser des louanges. Une Palme d'or 2011 néanmoins pas usurpée d'un point de vue esthétique. Marquant mais imparfait.