Déjà, dans Le Nouveau Monde, son précédent film, Malick commençait à se détourner de la narration classique. Avec The Tree of Life, il va encore plus loin en matière de déconstruction. Son style n'a jamais été aussi fragmentaire, elliptique, poétique. Un style qui colle ici parfaitement à une restitution de souvenirs, entrecoupée de réflexions mêlant l'intime et l'universel. Il explore des flux de conscience, un peu à la manière de Faulkner, et nous emmène dans un trip mystique, métaphysique et, pour ajouter un autre adjectif en "ique", cosmique, comme dans 2001 : l'odyssée de l'espace. C'est un voyage dans l'espace (images du soleil, des constellations...) et dans le temps (images de dinosaures, là où Kubrick évoquait les premiers hommes de la préhistoire). Voyage pour le moins déroutant et qui fait le grand écart avec la chronique familiale. Alors soit on grimpe à cet arbre de vie (qui fait référence à Darwin), soit on reste au sol, selon son degré de tolérance au propos du réalisateur. Un propos philosophico-nébuleux qui embrasse trop pour bien étreindre, auquel on peut toutefois ne pas adhérer sans pour autant décrocher, en se laissant simplement porter par l'incroyable beauté visuelle et sonore du film. Car The Tree of Life représente un travail d'orfèvre en matière de réalisation. Chaque plan est une petite merveille. Malick a un style d'une grâce tournoyante, d'une fluidité et d'une sensualité extraordinaires. Il filme la nature comme personne et donne aux relations humaines une force émotionnelle peu commune. La photo, le son, le montage sont au diapason. Toute cette perfection frôle ici le péché d'orgueil, à la démesure de l'ambition (prétention ?) intellectuelle du propos : le lyrisme est parfois ronflant, le kaléidoscope impressionniste n'est pas sans longueurs. Mais de tels bonheurs esthétiques, on n'en goûte pas si souvent pour faire la fine bouche... On notera enfin la qualité du casting : Brad Pitt, Jessica Chastain et le jeune Hunter McCracken sont excellents.