Stephen King a toujours reproché à Stanley Kubrick les libertés que ce dernier avait pris avec son roman. C'est vrai que le cinéaste s'était beaucoup éloigné du livre, mettant de côté bon nombre de péripéties et de symboles qui fonctionnaient très bien dans l'oeuvre de King: le nid de guêpes, la pression de la chaudière, les buis en forme d'animaux, l'horloge ensanglantée, le portrait d'un Jack Torrance plus fragile... Et bien sûr Danny, principal protagoniste du livre, supplanté par son père dans le film. Sans compter des choix narratifs et stylistiques pour le film radicalement différents de ceux du roman. Au final, le film de Kubrick, aussi réussi et admirable soit-il, semblait être une trahison. Disons plutôt que le bouquin a été une source d'inspiration pour Kubrick, et celui-ci a imposé sa version. Mais ce qui restait surtout en travers de la gorge de King, c' était d'avoir été évincé du projet. En effet, il avait passé un an à écrire un scénario que Kubrick n'avait même pas lu, ayant préféré collaboré avec Diane Johnson, autre romancière.
17 ans plus tard, bien que SHINING soit devenu un classique incontournable du fantastique et de l'horreur, King décide quand même de tourner sa propre adaptation. Il rachète les droits du livre que Kubrick s'était approprié. Des négociations se font entre King, la Warner et Kubrick. Ce dernier, en échange de la rétrocession des droits du bouquin interdit à King d'émettre son opinion sur son film. Mais le point de vue du romancier, on le connaissait déjà.
Ainsi, c'est Mick Garris (Déjà réalisateur de l'adaptation ultra-fidèle du 'fléau', téléfilm-fleuve de près de six heures) qui réalisera ce long téléfilm de 4h45. Mais était-ce bien nécessaire et raisonnable? Au final, il s'agit d'une adaptation très fidèle au livre, très littérale, mais qui n'apporte rien de plus au matériau d'origine. King et Garris font bien apparaître tous les éléments du livre que Kubrick avait mis de côté, et les développent. Le SHINING cinéma de Kubrick était épuré et abstrait, le téléfilm du tandem King-Garris est explicatif et s'inscrit dans la tradition des classiques histoires gothiques de maison hantée. Si la mise en scène du cinéaste de 2001 était inventive, et que son scénario co-écrit avec Diane johnson amenait des effets de surprise, la réalisation de Mick Garris se contente de suivre à la lettre près le scénario de King. Les détails du livre, pas toujours nécessaire de reproduire à l'écran, sont restitués. A chaque élément du roman hommi ou atténué par kubrick, King va insister dessus. Or le romancier se fait par moments plaisir, et fait parfois du grand-guignol. Nicholson maniait la hâche, dont l'impact visuel est bien plus fort. Weber se contente du maillet de criquet, tel qu'il est décrit dans le livre... Toutefois le téléfilm comprend quelques points forts, dont Steven Weber. Son interprétation, qui n'a rien à voir bien sûr avec celle de Nicholson ( il aurait été ridicule), correspond très bien au personnage du bouquin. Il incarne un Jack Torrance plus humain et vulnérable, et son jeu est plus nuancé. Rebecca De Mornay interprète quant à elle une Wendy Torrance qui correspond bien au personnage du livre, radicalement différente de l'interprétation d'une Shelley Duvall hyper-émotive. Courtland Mead, qui joue l'enfant, n'a pas la présence impressionnante qu'avait Danny Loyd en 1980, même si ce dernier était relégué au second plan derrière Nicholson. Le temps du déroulement, sur plus de quatre heures lui permet de retranscrire la folie très progressive du personnage. La montée de la tension est assez bien ressentie, mais l'ensemble n'est pas aussi angoissant que le livre ou le film de Kubrick. La scène mythique de la chambre 217, racontée du point de vue de l'enfant comme dans le livre cette fois-ci, est tout de même assez efficace.
Ainsi, pour ce qui est de la version filmée, c'est toujours le SHINING de Kubrick qui reste dans les mémoires et l'inconscient collectif. Cela dit, si la mini-série de King n'a pas le mystère de son prestigieux prédecesseur, elle rappelle tout de même que le roman est un livre majeur de son auteur, un chef-d'oeuvre de la littérature fantastique et d'horreur, à lire absolument... Après avoir vu le chef-d'oeuvre de kubrick, afin de ne pas rechercher à tout prix dans le film ce qui nous a marqué dans le livre, et de ne pas être déçu.