Après les Infiltrés, un remake d'Internal Affairs (réalisé par Andrew Lau et Alan Mak) et une captation de plusieurs concerts des Stones au Bacon Theatre à New York (Shine a Light), Scorsese nous revient avec Shutter Island, retranscription cinématographique du roman de Dennis Lehane, auteur déjà adapté au cinéma par Clint Eastwood (Mystic River) et Ben Affleck (Gone Baby Gone).
Suivant le marshal Teddy Daniels et son coéquipier Chuck Aule qui enquêtent sur la disparition de la patiente Rachel Solando au sein d'un hôpital psychiatrique internant de dangereux criminels sur une île près de Boston, le film se focalise bientôt sur la folie du personnage central, en proie à des hallucinations récurrentes et à des réminiscences douloureuses: sa femme qui a apparemment trouvé la mort lorsque un pyromane, Andrew Laddies, a mis le feu à la maison; le camp de concentration de Dachau dont il a vu les milliers de victimes décédées dans d'atroces souffrances; les crimes de guerre auxquels il a participé et qui éveillent à présent sa culpabilité...
Brouillant rapidement les pistes entre réalité et illusion (les hallucinations et les rêves de Teddy Daniels occupant une grande place dans le récit; le twist final amenant à une relecture du film dans sa totalité), Shutter Island sait instiller l'angoisse de façon plutôt efficace, avec le regard tourmenté d'un di Caprio d'ailleurs bien à son avantage ici, à l'aide de deux-trois accords de musique anxiogènes qui rappellent Shining et qui cèdent tout à coup à des silences pesants (par exemple lorsque Daniels est dans le phare).
Il faut dire que déjà le cadre du récit - un hôpital psychiatrique totalement isolé, des patients malades, des gardiens ("Si je te mords l'oeil, saurais-tu m'arrêter avant que je t'éborgne?" dit l'un à Teddy Daniels) et des psychiatres (les inquiétants Ben Kingsley et Max von Sydow) presque tout aussi dingues - invitait bien à la peur.
Sinon tous les ingrédients habituels d'un thriller de base sont réunis: en plus de zooms nerveux ou de plongées grandiloquentes, il y a des références aux classiques du genre (Shining donc, l'ombre de Hitchcock plane de toute façon dès qu'on parle de folie et d'hallucinations, la présence de Max von Sydow peut être considérée comme un hommage à L'Exorciste, dans son twist final le film fait également penser au Village de Shyamalan...) et puis le lot d'énigmes et de formules mathématiques que Dan Brown et son Da Vinci Code ont contribué à (re)populariser.
Rien de nouveau sous le soleil donc? Ou plutôt sous l'hurricane qui gronde?
Oui peut-être, mais à défaut d'originalité, Shutter Island reste un thriller respectable, soigné, bien mené, bien filmé, bien interprété, bien composé, bien décoré, bien photographié, bien monté...
Un peu trop de "bien"? C'est peut-être, à y songer, un film qui pêche par sa perfection, sa froideur, son anonymat... En s'attelant à des remakes, des biopics (Jésus Christ, Kundun, Howard Hughes, bientôt Theodore Roosevelt avec de nouveau di Caprio) ou à des adaptations (Dennis Lehane ici donc), Scorsese rentre dans un moule, dans des formes aseptisées, et n'arrive plus vraiment à imposer son style, sa touche - ce qui suppose aussi des imperfections...