J'ai eu le plaisir de regarder pour la toute première fois "Shutter Island". Je m'attendais, eu égard aux excellentes critiques dont il a fait l'objet, à voir un bon film. J'ai vu un excellent film, et la première chose que je voudrais dire, c'est que je suis content d'avoir acquis une certaine maturité avant de le voir et de le comprendre, car je crois que cela m'a permis de le vivre avec une intensité plus grande encore que celle que j'aurais eu en étant un peu plus jeune, un peu moins mature, un peu moins chahuté par la vie.
Car, voyez vous, malgré que l'on puisse palper, déceler la profondeur d'un tel film alors même que l'on ignorerait tout de la psychiatrie, ou que ce domaine nous soit juste intéressant sans pour autant que l'on en soit un spécialiste, je crois que l'on ne peut jauger de sa qualité qu'en ayant nous même, dans notre propre vie, vécu certains traumatismes ou connu quelqu'un qui en aurait eu, ou que l'on ait a les côtoyer fréquemment.
Je m'explique : ce film est une mise en abime aux tréfonds de notre esprit, un monde encore vaste et inexploré, particulièrement résistant aux analyses purement scientifiques. Même si l'on ne s'en rend pas compte au premier abord, ce film prend la forme d'une expérience, le réalisateur semble vouloir repousser les limites des émotions que peut ressentir le spectateur en l'immergeant progressivement dans la peau d'un personnage. Au delà de la question basique que pourrait se poser un spectateur lambda après avoir visionné un tel film : "Ou commence la raison, ou s'arrête la folie ?" "Sommes nous tous des fous en puissance, pour autant que les éléments qui nous mènent a cet état agissent sur nous ?"
Se pose aussi la question, au cours du film de savoir comment discerner l'illusion de la réalité, et force est de constater, que plus le spectateur s'appuie sur les faits dont il dispose, plus les fondations sur lesquelles la perception de sa réalité se repose deviennent fragiles, jusqu'à provoquer un trouble profond, un malaise à un moment donné du film.
Tout cela suscite des troubles, que le spectateur est à même de ressentir en fonction de son chemin de vie, de ses vécus personnels, d'ou ma pensée première : je crois que l'on ne sera jamais plus boulversé par le réalisme (J'insiste sur ce mot) de ce film si l'on a nous même pleinement conscience, de part notre vécu, de la capacité de notre cerveau à nous jouer des tours. De la capacité de ce dernier à déformer la réalité sans que mon puisse s'en rendre compte. (Alors même que la prise de substances ou présence d'un déficit mental sont exclus)
Et puisque la construction, perception de notre environnement, repose, si ce n'est entièrement, de beaucoup, sur cet organe, on peut alors aisément définir ce qu'est la folie : la ruine des fondations sur lesquelles repose notre personnalité, ici, provoqués par plusieurs traumatismes vécus par le personnage principal, et l'on se demande alors sur qui se reposer quand l'orchestre de notre existence se retourne contre nous ?
La réponse : les autres.
Les autres nous sont indispensables pour continuer à vivre dans la société alors même que notre cerveau n'est plus apte a nous y guider, et c'est selon moi, aussi, la morale de ce film : il n'y a rien de plus important qu'un esprit sain et un entourage compréhensif et bienveillant, garde fou éternel de notre santé psychique.
Ce film est bouleversant de vérité, il n'a pas peur de clamer haut et fort que la frontière entre la raison et la folie est mince et que parfois la réalité dépasse la fiction, moi-même je persiste à dire que cela devient compréhensible que lorsqu'on l'a nous même vécu, même dans une moindre mesure : certaines choses se comprennent car elles se vivent, la capacité de certains traumatismes à altérer notre réalité est troublante et inquiétante. Ce chef d'oeuvre est une démonstration de la faiblesse dont peut faire preuve l'esprit humain face aux assauts de l'adversité sur ses fondations. Des fondations qui, aussi solides soient-elles, ne sont jamais indestructibles.