J’ai un faible pour les histoires de “film maudit�, et c’est encore plus drôle quand le film lui-même joue sur la confusion entre fiction et réalité. Ainsi, ces ‘Poughkeepsie tapes’ n’ont pas été projetées dans le moindre cinéma en 2007, alors même que la MGM avait communiqué autour de la sortie en salles, et ont du attendre dix ans pour une discrète sortie DVD : la légende prétend que les cadres du studio, choqués par l’extrême violence à l’écran, aient préféré éviter un possible scandale. A vrai dire, cela ressemble surtout à une bon petit buzz de derrière les fagots opportunément orchestré pour booster la réputation d’une production par ailleurs sans grand intérêt. Comme on s’en doute, les fameuses bandes vidéo auraient été soi-disant découvertes dans une maison de Poughkeepsie (NY), laissées là par un psychopathe joueur qui avait soigneusement filmé et conservé la moindre trace de ses méfaits : l’enlèvement de ses victimes, les sévices physiques et psychologiques qu’il leur faisait subir, leur mise à mort et les mutilations post-mortem auxquelles il se livrait. Présenté comme ça, c’est vrai que ce n’est pas triste...mais en pratique, ce n’est pas vraiment terrible non plus, et c’est en partie parce que le réalisateur a voulu jouer le jeu jusqu’au bout. Résumons : nous sommes en 2007, le ‘Projet Blair Witch’ va déjà fêter ses dix années d’existence, le Found-footage vit son âge d’or et on voit sortir des dizaines de productions identiques chaque année, la plupart complètement insipides et inutiles. S’il s’est rangé du côté de ceux qui voulaient proposer quelque chose qui sonne authentique, Dowdle, pour bien insister sur le côté “vidéos oubliées dans une cave durant des années�, a mis un point d’honneur à ce que le rendu visuel soit dégueulasse au possible, avec une image qualité VHS verdâtre et déformée, ce qui équivaut à regarder du porno en s’agitant une râpe à fromage devant les yeux et le fait de se demander si on a vraiment envie de perdre quelques degrés d’acuité visuelle à regarder ce machin prend tout de suite le pas sur toute autre considération. A cela s’ajoute le fait que personnellement, je continue à considérer le Found-footage horrifique comme l’un des pires fausses-bonnes idées de l’histoire du cinéma : si ce n’est pas vrai, c’est que c’est faux, et si c’est faux, ça ne sert à rien de le filmer comme si c’était vrai. La peur provient de la réalité, pas de son imitation maladroite...ou alors paradoxalement, elle provient de la suspension d’incrédulité face aux artifices de la fiction : voir un dingue, qui surjoue même s’il essaye de rester digne, découper des filles dans une semi-pénombre avec une image qui flanche toutes les trois secondes, ce n’est pas exactement ma définition de l’angoisse. Tout à sa quête de vérité, Dowdle ajoute des témoignages d’avocats, de témoins, de victimes ou d’officiers de police autour de cette pseudo-affaire jusqu’à offrir une imitation assez convaincante d’une de ces émissions ricaines sur des affaires criminelles célèbres. Si on débarquait en plein milieu du film, je ne nie pas qu’il soit possible de brièvement s’y laisser prendre, comme ce niais de Charlie Sheen avec ‘Guinea pig’, tant ces émissions obéissent elles-mêmes à des règles de mise en scène cinématographiques...mais tout de même, en règle générale, on se renseigne un minimum, avant, pendant ou après la séance, de manière à cerner le contexte et il est difficile d’imaginer que le doute puisse résister à l’analyse. Mais dans un monde où la foire aux fake-news bat son plein, j’imagine que la capacité à traumatiser de mauvais films comme ces ‘Poughkeepsie tapes’ a encore de beaux jours devant elle.