En France, on se montre tiède vis-à-vis de l’école à la maison à cause des risques de dérives sectaires qu’elle représente (source : j’ai fait l’école à la maison). Entre accompagnement spécialisé et séparatisme vicieux, il n’y a effectivement qu’un pas et Élève libre explore cet entredeux avec force. C’est pourtant un film social (du genre que je qualifiais auparavant de "chiant et déprimant") qui ne se veut pas particulièrement provocateur, mais c'est un véritable rouleau compresseur qui ne s’arrête à rien.
Rappelant d’abord La Communauté de Vinterberg, film très positif sur une survivance improbable du mouvement hippie, il développe des propos sensés, convaincants et même ravissants qui vont dans le sens de l’éducation à la maison. Mais bientôt les valeurs décalées et l’énorme ouverture d’esprit de la petite famille s’imprègnent d’anomalies et l’on remarque que le film est construit lui-même comme une dérive.
Si l'on s'exclamait d'abord "OUI !" devant les propositions du scénario (apprendre comment apprendre, encourager l'étudiant à se connaître mais se montrer à l'écoute, voilà qui me parle), on commence à dire "d'accord ?" avec un scepticisme croissant, jusqu'à se retrouver dans une situation répugnante en se demandant comment on en est arrivé là. Insidieusement, abus et manipulation se sont installés, faisant se déliter l'expérience sociale et démontrant avec froideur comment une entreprise tout habillée des meilleures intentions peut devenir, à l’insu-même de ses perpétrateurs, une usine à laver le cerveau dont les rouages sont faits de vice.
Étant concerné·e, je trouve que le film de Lafosse s'intéresse surtout aux extrêmes, mais la licence artistique l’excuse. Je m’inquiète, à la rigueur, des arguments peu nuancés qu’il peut donner à un côté comme à l’autre, même s’il semble pencher finalement en défaveur de l’école à la maison. Mais pour les amateurs de films sociaux, c’est une perle implacable et intense, très crue mais, malgré tout, douce dans la manière dont elle s’attaque à un si gros sujet.