Quelques lignes de scénario suffisent. L'histoire est simple, combat intérieur entre raison et passion. Un homme, deux femmes, une famille. Peut être un peu juste pour donner un grand film. Mais voilà, James Gray s'y attaque et le miracle existe. Parce que ce qui fait de Two lovers une perle n'est pas tant ce qui est raconté que la façon dont Gray le raconte. Le regard qu'il porte sur chaque personnage est d'une extrême douceur, et les mots qui me viennent naturellement sont délicatesse, tendresse et infinie pudeur. Tout est dans la forme, avec cette caméra qui glisse doucement, ces travellings entre les deux fenêtres, ce montage tout en fluidité, ces plans sur les visages qui savent jouer avec le temps, conserver l'expression et son évolution. Cette photo merveilleuse de Baca-Asay, filmant la nuit dans tout ce qu'elle a de "lumineux", ce qui n'est en rien un paradoxe, jouant sur des teintes jamais violentes, cherchant toujours à adoucir les moments les plus acérés. Jamais Gray ne tombe dans l'effet gratuit, jamais il ne flatte l'instinct du spectateur. Il choisit au contraire d'offrir une longue caresse sur des êtres en souffrance, êtres qu'il aime et voudrait nous faire aimer. Même l'avocat, détestable au restaurant, bouleverse dans la chambre de Michelle parce que certes il pourrait mentir, mais la manière dont Gray le filme nous assure de sa sincérité absolue. Alors évidemment, avec un Joaquin Phoenix simplement magistral, qui porte beaucoup de la tension de l'intrigue sur ses épaules, en famille avec Gray, tout semble facile. Michelle restera probablement paumée encore longtemps, et Paltrow en traduit la fragilité avec une magnifique sobriété. Vinessa Shaw, volontairement plus en retrait, donne tout de même beaucoup de poids à Sandra. Petit rôle de très grande tenue pour Isabella Rossellini. Si ce film est noir, c'est dans ce qu'il nous laisse supposer : pas du tout évident qu'un seul en sorte heureux.