Là-haut commence de manière désarçonnante : résumer une vie en dix minutes, justement, bellement, avec tant de sobriété et de matûrité, est un nouvel exercice de style difficilement imaginable dans une production Disney/Pixar. D'une sombreur à toute épreuve, ce début pose les bases pour la suite : on tient là une oeuvre qui change des codes habituels de la firme de référence, et qui se base enfin sur un présent réaliste, épris des problèmes quotidiens de vie qui ne sont pas constamment fantastiques, qu'on ne rêverait pas de suivre. Des vies banales, communes, humaines.
Cela, la première demi-heure le montre admirablement : le personnage du vieux Carl, doublé par un excellent Charles Aznavour, se confronte à la vieillesse, à ses répercussions sur la vie, le moral, les interactions sociales. Attaqué jusque dans sa maison par la jeunesse environnante, signe de changement du quartier représenté par des bulldozers et la maladresse des employés, il conduit finement le film vers l'idée du voyage, seule solution pour survivre, rêver et, indirectement, se conduire au suicide.
Et tandis qu'une grande mélancolie s'empare du film, et que le public est ému comme rarement en si peu de temps, intervient un personnage au départ insupportable que les multiples épreuves futures nuanceront : le gosse, Russell, annonciateur d'une relation parentale de substitution parfaitement amenée par cette superbe introduction de dix minutes. Au moment de la rencontre, le spectateur épouse les réactions de Carl : agacé, il n'a qu'une envie, qu'on le laisse seul dans la maison pour profiter du voyage.
Deux interruptions plus tard et le film peut enfin se lancer, puis nous faire voyager comme jamais. C'est là que Là-haut déçoit : il sacrifie trop vite le principe de son film (se perdre dans le ciel et y mourir de nostalgie) pour plaire à son public le plus jeune. Si l'adulte pouvait s'émouvoir des thématiques abordées jusque là, le changement de ton est presque trop brutal : passer d'une contemplation d'éther à la reproduction d'un monde perdu pour enfants déçoit tristement, au point de désarçonner tout autant qu'à son commencement.
Ce qui s'approchait d'un Pixar modèle prend alors la forme d'un Disney banal, certes de qualité mais commun à nombre de divertissements du genre : même le design des personnages, de l'environnement, la présence d'un comic-releef et d'un méchant profondément manichéen, Là-haut nous ressert la recette habituelle de Disney, pour en faire un succès au box-office quitte à entraver ses propositions d'écriture.
Dès que lors qu'il part dans cette direction, et le faisant bien, il paraît difficile de le trouver toujours excellent : les enjeux répétitifs d'un Disney à l'autre, les couleurs jusque là sublimes qui se retrouvent dans une forêt manquant de surprises, ces mêmes personnages qui perdent en finesse pour nous livrer des morales naïves à destination des enfants, tout cela fait qu'on passe à côté d'un chef-d'oeuvre pour suivre un divertissement honnête mais capable de tellement plus que de faire de l'humour simpliste avec des protagonistes et des antagonistes qui manquent de nuances.
Son animation rattrapera la déception, oui; somptueuse, elle nous offre des paysages éclatants, donnant, encore une fois, son maximum durant la première partie du film, largement plus émouvante, juste et atypique. Elle abandonne elle aussi sa finesse pour du divertissement de masse moins intéressant, puisque commun à tant d'autres films qui l'auront mieux fait, bien que toujours fait avec un grand talent.
Là-haut, ou le potentiel de son année gâché par la vision mercantile de ses producteurs.