Le cinéma aime à réduire la femme, être-ange étrange, au rang d'objet pour mieux fétichiser et soumettre au désir du spectateur masculin. Juan Luis Guerin, dans les rhizomes romanesques et baroques de Strasbourg, met en scène la poursuite d'un éphèbe dessinateur sur la trace d'une femme, Sylvia, qu'il a perdu six ans plus tôt après l'avoir aimé et en avoir conservé le précieux souvenir. «En la ciudad de Sylvia» (Espagne, 2008) étire ses séquences dans de longs tableaux académiques qui invoquent l'esthétique surannée de Sir Thomas Lawrence et James Tibbot. La femme (toutes les femmes), objet de contemplation et, en l'occurrence, sujet de vide, attire et attise chacun des regards du dessinateur, parcourt les rues de sa silhouette gracile et embaume les lieux de son charme incandescent. La femme : représentation spontanée du non-être au profit de son affect pur. Désir, tentation, souvenir, elle est tout à la fois pour n'être plus que la figure pompière d'un académisme furieux qui, dans la stagnation du temps rappelle les canons de l'époque, encore, où l'art ne se concevait qu'en fonction du mouvement. L'acuité des bruits et la finesse des images rend quasi-tangibles les moindres bruissements du film. Guerin tâtonne pour donner la faible impression d'une présence, d'un érotisme charnel qui vise à émettre la fugace et futile sensation d'une réalité émouvante. Posé en amont, harmonisé dans un scrupuleux respect des règles, les signes de Beau qui composent «En la ciudad de Sylvia» n'ont plus rien d'esthétique puisqu'ils se perdent dans un amalgame de viscères romanesques où les ombres côtoient la plus pâle clarté. Esthétique quiète, comme heureuse de trop d'harmonie, le régime d'expression du film rejoint une pictorialité que même le cinéma dit «primitif» n'a pas osé. D'autant plus que les référents picturaux sont ceux d'un vieux conformisme. Guerin, cherchant le temps perdu d'un amour dissipé, trouve la morne teneur des déambulations vaniteuses.