Il y a deux façons de voir "Dans la ville de Sylvia" : la première est d'observer, et avec quel ennui, la version qui nous est proposée, c'est-à-dire un assemblage de fantasmes quotidiens, de perversité et dénudement intérieur. Dans ce cas, le film dure 1h20 et est tellement vide que le temps finit par passer rapidement. On se dit qu'il y a quand même quelquechose d'admirable dans cette proposition prisonnière de son propre vide. En voulant révolutionner le cinéma, en rassemblant les gestes et les regards au centre d'un langage artistique commun et éternel, Jose Luis Guerin colle, comme des post-its disposés en désordre sur un frigo, des espèces de fragments qui ne veulent rien dire, un puzzle dont chaque pièce aurait été machouillée par le néant qui l'entoure. Un puzzle qui, au final, s'il était permis de pouvoir le reformer, donnerait encore une forme abstraite, désordonnée, non-sensesque. Mais heureusement, il y a une deuxième lecture du film qui permet une évasion intemporelle. Il est à préciser que cette différente vision n'est possible qu'en dormant. Avec "En avant, jeunesse!", "Dans la ville de Sylvia gagne aisément son ticket pour les pires tortures de l'année. Pire que de rater quelquechose, un plan, une séquence, un chapitre (ce qui implique une idée, aussi infime soit-elle, de la réussite finale, suivie d'un effort), pire que d'échouer dans le ridicule, ce cinéaste espagnol se sert du rien (pas d'histoire, pas de montage, pas de mise en scène, rien) comme argument de révolution artistique. En cela, "Dans la ville de Sylvia" est jumeau au film de Pedro Costa, dans cette représentation archi-ennuyeuse et incompréhensible de la vie quotidienne, par fragments décousus, délabrés, moches, interminables. Ils sont même siamois dans leur finalité prétentieuse et maligne de défaire l'accroche d'un cinéma populaire, engagé pour tous, et l'emmener dans une radicalité malvenue, tellement extrême et, au fond, mielleuse, qu'elle oublie que l'image reste avant la transmi