Au delà du marqueur que représente ce film pour toute une génération, « L’an 01 » peut être revu en 2016 , avec beaucoup de plaisir. C’est bien réalisé, le duo Doillon/Gébé, fonctionne parfaitement bien : bonne technique cinématographique, beaux travellings, avec un scénario solide, une histoire qui tient la route, manifeste ambitieux mais non didactique : le projet de tout arrêter, de faire un pas de côté et de vivre une vie alternative, en créant un autre système de valeurs.. Et puis il y a des « performances » d’acteurs excellentes, soit par des acteurs cultes que l’on connaît , que l’on retrouvera dans les décennies suivantes, soit par des membres de « communautés » actives de l’époque. La scène d’ouverture nous montre un Gérard Depardieu, jeune et fluet, mais avec déjà sa voix puissante,
qui décide ne pas prendre son train de banlieue,et de ne plus bosser..
On retrouvera ensuite la troupe du Café de la Gare dans une autre scène culte avec Thierry Lhermitte ( en hippie barbu ) , Junot et Clavier .Une autre scène absolument hilarante du couple Miou Miou et Henri Guybet, qui ont mis leur réveil à 6.00 du matin ,
pour se rappeler le temps où ils allaient au travail
. On reconnaît au passage lors d’un débat animé Philippe Stark, le designer. Beaucoup d’humour bien sûr, avec le musée
du métro ou les gens se serrent entre des statues, le musée de l’électro ménager, ou sont
exposés les ustensiles de cuisine, ou des clients imaginent ce que seront les objets intelligents du futur ; connectés et avec écran vidéo, exactement ce que nous avons aujourd’hui, et c’était il y 40 ans !!! Quelle vision. Il y aussi toute la partie sur l’évolution des mœurs : l’égalité homme –femme, la liberté sexuelle, l’aménagement du temps de travail, les loisirs, l’avènement du Bio. Beaucoup d’éléments que l’on retrouve comme admis et acquis dans la société contemporaine. Le grand plaisir aussi de voir toute l’équipe de Charlie Hebdo,
en comploteurs fascistes, préparant une contre- révolution ;
On voit avec nostalgie , les anciens fondateurs : Gébé ; Reiser ,le Professeur Choron et Cavanna, décédés au fil du temps qui s’est écoulé depuis, mais aussi avec beaucoup de peine les deux derniers « assassinés » de janvier 2015 : Cabu et Wolinski.. Comme par ironie cruelle, ils en appellent à prendre les armes contre la « révolution » de l’An 01, et c’est bouleversant de les revoir. Le final se conclue avec la bande à Coluche
complètement déjantée et hilarante.
. Un film très surprenant par la modernité de son propos, la toujours actualité des questions qu’il pose, par la justesse de ton ,et par la gentille utopie qu’il distille . Film qui révélait aussi le grand talent de Gébé probablement le plus doué et le plus créatif de la bande "Hara Kiri" et Jacques Doillon , qui se servira de ce film comme tremplin pour préparer sa magnifique carrière de réalisateur avec plusieurs dizaines de films à son actif .