Grolandais de natures, Delépine et Kervern, après quelques ovnis (dont "Avida", avec Dupontel), signent enfin un film dont la narration est un tant soit peu linéaire. Du moins linéaire, non, mais disons qu'il y a une intrigue. C'est souvent le problème de ces deux réalisateurs loufoques ; être incapables - ou plutôt ne pas vouloir être dans la routine du cinéma, ne pas vouloir raconter quelquechose correctement, sans qu'ils y rajoutent leur part de folie. Malheureusement, leur moyenne maîtrise de la mise en scène ne permet qu'à moitié ce genre de défi. "Louise-Michel" tombe dans le piège de la succession de sketches, reliés entre eux par un fil blanc. Une sorte de comique à rebours dans des situations burlesques qui, parfois, ne répondent à aucune logique dans le film ; la séquence d'ouverture, par exemple, est mystérieusement hors du contexte de tout le reste du film. Et certaines scènes laissent sur le carreau à force de non-explication, ou alors de justification tardive, en tout cas souvent trop tard pour que l'on puisse en rire avant de s'ennuyer, car la radicalité du procédé y invite vraiment. Le grain de l'image, crasseux, finit par lasser et participe lui aussi à entraîner le rythme dans une sécheresse déconcertante. L'humour de type belge, construit sur des silences qui s'empilent comme des parpaings, et sur l'épaisseur de personnages issus des classes ouvrières, des petites gens pauvres mais attachants, ne fonctionne que très rarement ici ; on sourit de temps en temps, mais la façon dont certains personnages apparaissent en tant que guests-stars (Kassovitz, Poelvoorde...) sans jamais appartenir à l'intrigue laisse pantois, et l'attaque anti-capitaliste assez forte de l'idée de départ est détruite par un humour noir qui tape sur tout le monde d'une manière plus malsaine que rigolote. La séquence de la jeune fille atteinte d'un cancer, dont on lui dit qu'elle va << crever >> , appartient à ce style d'humour douteux, non pas parce qu'il se moque de la mort (ch