Etant ignare en jeu d'échecs, je serais bien incapable de donner une opinion technique sur son utilisation dans ce film. Là ne réside d'ailleurs pas, me semble-t-il, le principal intérêt de l'histoire. Ce qui compte, c'est le surgissement soudain de la passion dans la vie fade et banale du personnage principal, Hélène, épouse, mère et femme de ménage, vivant en Corse dans un paysage somptueux qu'elle ne voit même plus. Un travail peu gratifiant, des soucis d'argent, les caprices d'une fille adolescente, ternissent son quotidien. Mais la grâce va lui être accordée sous la forme d'une rencontre fortuite avec les échecs dont elle ignore tout, jeu intriguant dont elle n'aura de cesse de maîtriser les arcanes jusqu'à en triompher publiquement. Pour cela, il lui faudra braver le regard des autres, leurs jugements hâtifs et insultants parfois : les rumeurs du village, la jalousie de son mari, les reproches de sa patronne, le mépris des joueurs chevronnés. Mais c'est à la métamorphose d'une femme que nous convie ce film et rien ne peut arrêter une chenille en route vers son destin de papillon. Une romancière (Bertina Heinrichs), une cinéaste (Caroline Bottaro) et une actrice (Sandrine Bonnaire, irréprochable) se sont alliées pour nous offrir cet attachant personnage qui se découvre plus forte que sa condition. Histoire féministe, direz-vous? Pas si simple! Ce serait sans compter avec le mystérieux M.Krüger, anglais, veuf, malade et plutôt misanthrope, qui s'attache peu à peu à Hélène, la regarde enfin non plus comme une femme de ménage mais comme une femme tout court et reconnaît un jour que l'élève a dépassé le maître. Kevin Kline prête son élégance et son charme ténèbreux au personnage et la plus belle scène du film est la partie d'échecs entre Hélène et M.Krüger, disputée sans échiquier, où ils se murmurent les numéros des cases comme des mots d'amour!