Nicolas Saada explique que le point de départ du projet, c'était "l'envie de raconter une histoire sentimentale au coeur d'un film de genre." Il ajoute : "Je tenais aussi à ce que l'intrigue se déroule dans un pays étranger afin de ne pas me retrouver coincé par les conventions du film de genre "à la française" (...) Ce film est d'abord une histoire d'amour sur fond d'espionnage. Je l'ai écrit dans ce sens, pour raconter à travers les personnages. Le plus difficile, c'est de garder ce point de vue jusqu'au bout tout en respectant certaines conventions propres au genre. Dans tout film de genre, il y a des "scènes à faire" et j'ai essayé de respecter ce cahier des charges. J'aime les récits d'espionnage parce qu'ils concernent toujours la manipulation, les faiblesses humaines, la fragilité qu'il y a en chacun de nous." Guillaume Canet estime de son côté : "Je pense que l'espionnage est une très belle toile de fond au film, mais une très belle toile de fond à un film d'amour, comme le thriller dans Ne le dis à personne était un prétexte à une très belle histoire d'amour. Je crois que c'est cet aspect qui faisait vraiment vibrer Nicolas."
Espion(s) est le premier long métrage de Nicolas Saada. D'abord journaliste aux Cahiers du Cinéma de 1987 à 2000, il a également travaillé au département fiction d'Arte aux côtés de Pierre Chevalier. Les auditeurs de Radio Nova savent aussi qu'il a présenté l'émission Nova fait son cinéma, consacrée aux musiques de film. Scénariste pour Pierre Salvadori (Les Marchands de sable) ou Arnaud Desplechin (Léo en jouant "Dans la compagnie des hommes"), il a réalisé un moyen métrage, Les Parallèles, nommé au César du Meilleur court métrage en 2005.
Nicolas Saada brosse le portrait du héros de son film :" Vincent est au début une sorte d'ermite, un type brillant, mais complètement refermé sur lui-même. À travers cette expérience du danger, il change complètement de vie, mais il remet aussi en question sa vision du monde, plutôt individualiste. Il a tout pour réussir mais il est pessimiste et pense que le monde va à sa perte, qu'il n'y a rien à faire. Il n'a pas d'idéal. Progressivement, la nature des événements auxquels il est exposé, la cruauté du dispositif qu'il met en place, commencent à l'affecter. Effectivement Espion(s) peut être vu comme un récit d'initiation, celui de Vincent mais aussi celui de Claire..."
Pure fiction, Espion(s) renvoie néanmoins à une réalité brûlante. Nicolas Saada se souvient : "Je me suis inspiré de l'arrestation d'un groupe de voleurs de bagages à Roissy en novembre 2004.J'ai alors imaginé qu'un de ces voleurs se retrouve au coeur d'une conspiration. Par un hasard incroyable, des bagagistes ont de nouveau été arrêtés à Roissy à peine un mois après la fin du mixage du film ! (...) j'ai aussi fait des recherches sur l'hypothèse d'un explosif liquide utilisé à des fins terroristes. C'était en mars 2006. L'été suivant on interdisait l'embarquement de produits liquides sur les vols à cause d'une alerte majeure en Grande-Bretagne : plusieurs individus avaient tenté d'embarquer de l'explosif liquide dans des vols long courrier. Le souci de ce genre d'explosifs liquides c'est qu'ils peuvent devenir avec le temps indécelables, c'est-à-dire incolore et inodore."
Le réalisateur parle du travail de préparation qui a été nécessaire pour se familiariser avec l'univers de l'espionnage : "J'ai parlé avec quelqu'un de la manière dont on gère aujourd'hui les "sources", ces individus infiltrés qui travaillent pour les services secrets sans être pour autant des agents, ce sont des "pigistes"... Ces entretiens m'ont aussi aidé à construire un style visuel avec quasiment pas de gadgets ou de haute technologie. Tous les spécialistes du renseignement ont le même discours aujourd'hui : c'est le renseignement humain qui prime sur le reste, et une "source" est plus précieuse que le plus sophistiqué des satellites espions (...) J'ai aussi lu l'autobiographie de Stella Rimington Open Secret, la patronne du MI5 entre 1992 et 1996. C'est un livre très précis, qui décrit le quotidien de l'agence avec beaucoup de détails, en accentuant le côté "vie de bureau" de l'institution, comme dans les romans de Le Carré. Elle raconte très bien comment elle devait gérer des situations extrêmes où se mêlaient son travail et son quotidien."
Sans remonter jusqu'aux Jeunes Turcs de la Nouvelle vague (Godard, Rohmer, Chabrol, Rivette, Truffaut...), de nombreux cinéastes français ont, comme Nicolas Saada, débuté en exercant l'activité de critique aux Cahiers du cinéma. André Téchiné, Olivier Assayas, Danièle Dubroux, Serge Le Péron, Jean-Claude Biette, Herve Le Roux ou, plus récemment, Thierry Jousse, Cédric Anger ou Mia Hansen-Love sont tous issus de la vénérable revue.
Héroïne d'Espion(s), Géraldine Pailhas jouait déjà dans le moyen métrage de Nicolas Saada Les Parallèles. Le réalisateur a écrit le rôle de Claire spécialement pour elle.
On pouvait se douter que Nicolas Saada, grand spécialiste de la musique de film, ferait appel à une pointure pour la partition de son premier long métrage... Et c'est Cliff Martinez, connu pour sa fructueuse collaboration avec Steven Soderbergh, qui a été choisi. Le cinéaste confie : "J'avais besoin d'un vrai "score", une bande originale à la fois élégante, oppressante, qui ne soit ni une copie, ni un décalque. La démarche de Cliff Martinez pour L'Anglais et Solaris de Soderbergh m'avait toujours intéressé. Il associe des compositions très climatiques à une approche classique de la musique de film. Il est sans doute un des compositeurs les plus talentueux en activité aujourd'hui. Je l'ai approché sans vraiment être sûr qu'il accepterait. Il a dit oui très vite : nous avons travaillé sans relâche, scène après scène, thème après thème. À l'arrivée, c'est une musique de film idéale : moderne, impressionniste et très efficace."
Le compositeur Cliff Martinez revient sur l'élaboration de la partition : "Nicolas tenait au son d'un orchestre à cordes, sans doute à cause de son élégance formelle. Les cordes sont donc l'élément dominant, mais l'autre élément-clé est le cristal Baschet, qui est un instrument unique, fait de tiges de verre que l'on joue avec des doigts humides. Il était un complément idéal aux cordes, ajoutant à la fois du mystère, et rendant l'orchestre moins conventionnel." Il précise aussi : "J'ai utilisé une guitare électrique parce qu'une des rares musiques de film d'espionnage à laquelle je pensais était celle des James Bond."
Le tournage d'Espion(s) s'est partagé entre Paris (cinq semaines) et Londres (trois semaines). Une partie du casting est composée d'acteurs britanniques reconnus, comme Stephen Rea ou Alexander Siddig, un comédien habitué à l'univers de l'espionnage, puisqu'on l'a remarqué entre autres dans Syriana.
Le cinéphile Nicolas Saada a demandé à ses comédiens de voir certains films, parmi lesquels Pickpocket de Robert Bresson et Le Prince de New York de Sidney Lumet.
Au départ, le réalisateur avait pensé intituler son film Un simple espion.